Le Parlement européen prêt à atterrir à l'aveuglette
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Le 10 mars, le Parlement européen devait voter sur un amendement à l'accord UE-Maroc sur les services aériens - sans aucune clarification de la part de la Commission européenne sur la manière dont la proposition est en cohérence avec la décision de 2018 de la Cour de justice de l'UE, annulant l'application de cet accord au Sahara Occidental. En raison de la crise COVID-19, le Parlement Européen a reporté à une date ultérieure tous les votes prévus le 10 mars.

Publié 23 mars 2020

Le 10 mars, le Parlement européen devait voter un amendement à l'accord UE-Maroc sur les services aériens, afin de tenir compte de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie - qui ont rejoint l'UE après décembre 2006, lorsque l'accord était provisoirement en vigueur. Le vote du 10 mars devait porter sur une nouvelle modification de la précédente révision d'octobre 2017 de l'accord UE-Maroc sur les services aériens, dont WSRW avait fait état.

Le 30 novembre 2018, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que l'accord UE-Maroc sur les services aériens ne s'applique pas au territoire du Sahara Occidental. L'arrêt précise que le territoire du Maroc doit être compris en référence "à l’espace géographique sur lequel le Royaume du Maroc exerce la plénitude des compétences reconnues aux entités souveraines par le droit international, à l’exclusion de tout autre territoire, tel que celui du Sahara occidental". Selon la Cour l'inclusion du Sahara Occidental viole les règles du droit international applicables aux relations entre l'UE et le Maroc, "à savoir le principe d’autodétermination, rappelé à l’article 1er de la charte des Nations unies, et le principe de l’effet relatif des traités "(art. 27). "L’Union ne saurait valablement partager une intention du Royaume du Maroc d’inclure, à un tel titre, le territoire en question dans le champ d’application dudit accord" (art. 33).

Il est loin d'être clair que cette décision a été prise en compte dans la nouvelle proposition de modification de l'accord.

''Bien que ce dossier qui sera soumis au vote en plénière soit un petit ajustement à un accord existant, les implications ne le sont pas. Le groupe Verts / ALE a demandé à plusieurs reprises à la Commission de répondre aux questions sur le vide juridique créé par l'arrêt de la Cour de justice européenne de novembre 2018 selon lequel le Sahara Occidental n'est pas couvert par l'accord UE-Maroc sur les services aériens, un arrêt qui représentait un victoire pour le peuple sahraoui", explique l'eurodéputée Ciarán Cuffe (Irlande, Verts / ALE), qui siège à la commission des transports et du tourisme du Parlement.

''Il est inacceptable que la Commission n'ait pas répondu correctement à nos questions. Il nous est donc demandé de voter sur un accord sans connaître toutes les implications relatives à la sécurité aérienne, au trafic aérien et à la protection des consommateurs pour les compagnies aériennes de l'UE et les passagers survolant le Sahara Occidental. Pourquoi la Commission ne répond-elle pas à nos questions ? '', demande M. Cuffe.

Ce qui est encore plus étonnant, c'est que l'eurodéputé leader du Parlement dans le dossier, Sven Schulze (Allemagne, PPE), ne mentionne pas la décision de la CJUE 2018 dans son rapport, pas même dans le cadre de la déclaration explicative décrivant le contexte et les procédures applicables à l'amendement. Schulze recommande au Parlement de voter en faveur de l'amendement, le qualifiant de "purement technique".

"Il est déconcertant que l'UE modifie un accord sur les services aériens afin de clarifier son applicabilité au sein de l'UE, tandis que la portée géographique utilisée du côté du pays partenaire est si fortement discutable. L'accord est-il applicable au Maroc proprement dit, comme dicté par le droit international et européen, ou aussi aux parties du Sahara Occidental qui sont sous occupation militaire du Maroc ? On s'attendrait à ce que les législateurs européens souhaitent que cette question soit clarifiée avant de voter, mais apparemment, ce n'est pas le cas, a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch (WSRW).

L'amendement a été adopté par la commission des transports du Parlement européen avec 40 députés pour, 5 contre et 4 abstentions.

WSRW a déterminé qu'il y a 11 vols internationaux par semaine vers le Sahara Occidental, opérés par Binter Canarias et Royal Air Maroc. Les vols relient Dakhla et El Aaiun à Gran Canaria. Une nouvelle connexion avec la France, via Transavia, s'est ouverte fin octobre 2017. La représentation du peuple sahraoui, le Front Polisario, reconnue par l'ONU, a déposé une plainte contre Transavia auprès du Tribunal de grande instance de Paris en octobre 2018.

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