L’accord de pêche piétine le Sahara Occidental

"Nous avons encore le temps de peser sur les discussions pour que les eaux au large des côtes du Sahara Occidental soient écartées de l'accord", écrit la chroniqueuse Helena Olsson dans le plus grand journal de la Finlande, Helsingin Sanomat, sur la pêche hors éthique de l'UE.

Publié 09 janvier 2011



Chronique dans Helsingin Sanomat
20 décembre 2010

Par Helena Olsson. 
La chroniqueuse est une journaliste indépendante suédoise, qui suit les questions du Sahara Occidental et la Mauritanie. Elle a travaillé dans le centre de recherche du Nordic Africa Institute à Uppsala.

Traduction non officielle du finlandais par Western Sahara Resource Watch. 

Selon la défenseur sahraouie des droits humains, Aminatou Haidar, son peuple ne profite pas de l’accord de pêche entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc.

"Malheureusement, l'accord ne fait qu'intensifier l'oppression menée par le Maroc", a déclaré Haidar il y a un an. Haidar a reçu entre autres le prix des droits de l’homme Robert F. Kennedy ainsi que le Prix américain du Courage Civique.

L'accord de pêche a été signé en 2006, et il est bientôt temps de commencer à renégocier. L'accord actuel autorise l'UE à pêcher avec 119 navires au large des côtes du Sahara Occidental. Environ 100 d'entre eux sont espagnols. L'UE a payé au Maroc 36,1 millions d'euros pour les permis de pêche.

Le sol du Sahara Occidental occupé par le Maroc se compose principalement de désert. Du fait de l'accord de pêche, les possibilités pour le Sahara occidental d’obtenir son indépendance s ‘éloignent. Cela augmente la frustration chez les habitants des camps de réfugiés dirigés par le mouvement d’indépendance le Front Polisario (prés de Tindouf en Algérie) et chez les populations vivant au Sahara Occidental.

Selon le droit international ces personnes doivent profiter économiquement des ressources naturelles de leurs terres, alors que dans les faits ils n'ont pas été consultés sur la façon d'utiliser les fonds donnés par l'Union européenne.

En Octobre, les soldats marocains ont fusillé un garçon sahraoui de 14 ans, qui participait à la manifestation organisée dans le désert proche de la plus grande ville du Sahara Occidental, El Aaiun. Début novembre, les soldats ont violemment détruit le camp de protestation, qui se composait de plus de 20 000 personnes. Lors des évènements, une dizaine de personnes sont mortes et plusieurs centaines ont été blessées ou ont disparu.

L'escalade dans les émeutes ou les forts appels des partisans du mouvement pour l'indépendance à reprendre la lutte armée contre l'occupant, après 19 ans de cessez-le-feu, ne sont pas les seuls facteurs menaçant la paix de la région. Le risque que le conflit se propage à l'ensemble de la région du Maghreb est réel parce que la situation en Mauritanie, voisine du Sahara Occidental, est instable.

Des négociations dirigées par l'ONU sont en cours pour l'avenir du Sahara Occidental. Elles visent à obtenir des accords sur les conditions de l’organisation de référendum d'autodétermination. Ces négociations ont été régulièrement tenues à différents niveaux depuis le cessez-le-feu à 1991. Seuls quelques-uns croient encore que les négociations pourraient être productives. Les émissaires personnels du Secrétaire des Nations Unies Général ont souvent changé.

L'ONU a décidé de ne pas inciter l'UE à établir un accord avec le Maroc concernant les eaux du Sahara Occidental. La décision a été prise en dépit de l'avis du secrétaire général adjoint aux Affaires juridiques de l'ONU, qui en 2002 a critiqué le fait que l'occupant exploitait les ressources naturelles appartenant au peuple d'origine de la région.

Le droit international ne va pas toujours de pair avec la realpolitik - et surtout pas avec sa partie économique. 

Un accord de pêche bon marché peut, bien sûr, à court terme, être considéré comme un succès de la politique économique, mais à long terme, la situation pourrait changer, puisque l'accord ne tient pas compte du droit du peuple occupé à exploiter ses propres ressources naturelles.

La partie originale de la population du Sahara Occidental, les Sahraouis, est particulièrement dépossédée de ses bénéfices. Dans le même temps, l'oppression à l'égard des Sahraouis augmente. La conduite de l'UE à ce jour montre qu'elle n'est pas prête à défendre droits de l'homme avec autant de constance que nous aimerions le croire.

L'accord de pêche avec le Maroc a presque gagné un soutien unanime au niveau des organes décisionnels supérieurs de l'UE. La Suède était parmi les rares critiques, et a finalement voté seule contre l’accord.

De nombreux députés, de différents pays, ont insisté sur le fait que les eaux appartenant au Sahara Occidental doivent être exclues de l'accord. Les juristes du Parlement européen ont eux aussi évalué que l'accord était une violation du droit international, parce que l'accord ignore comment les Sahraouis en bénéficient.

Cependant la défense des droits de l'homme - dans ce cas les droits des Sahraouis - demande d’avantages de pouvoirs pour être sauvegardée.

L'Espagne et la France sont si fortement attachées à leurs intérêts que c'est peu probable qu'elles soient en mesure de défendre le droit international. Cependant, l’avantage économique pour de nombreux autres pays de l'UE est beaucoup plus faible, et l’on pourrait s'attendre à ce qu’ils exigent bruyamment la fin de l’accord de pêche».

Les pays nordiques pourraient agir ensemble dans ce cas en dehors du système officiel de l'UE. L'accord de pêche apporte également une autre préoccupation en dehors des droits de l'homme, l'environnement. La surpêche menace de détruire les eaux de cette côte qui est parmi les plus riches du monde.

La Norvège a aussi pris une position claire dans le conflit. Le gouvernement de la Norvège a exhorté les compagnies norvégiennes à ne pas investir au Sahara Occidental. Outre, les entreprises norvégiennes ont été instamment priées de ne pas acheter les produits de la région. Cela a conduit à des actions concrètes : de nombreuses entreprises ont résilié leurs accords.

Dans les pays nordiques, il existe des groupes de parlementaires, représentant divers partis, qui sont attachés à contribuer à la situation au Sahara Occidental. Afin d'atteindre des résultats concrets, les gouvernements devraient aussi adopter une position claire sur le droit international et les droits de l'homme. 

L'accord de pêche actuel prend fin en mars 2011. Il n'y a pas encore de décision sur le nouvel accord. Cela signifie que nous avons encore le temps de peser sur les discussions pour que les eaux au large des côtes du Sahara Occidental soient écartées de l'accord.

 

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