Le rapporteur AGRI préoccupé mais favorable au commerce sur le Sahara
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Malgré les multiples raisons données contre l'accord - y compris un arrêt de la Cour Européenne - le rapporteur de la commission de l'agriculture du Parlement Européen est favorable à l'inclusion du Sahara Occidental dans l'accord commercial UE-Maroc

Publié 19 octobre 2018

Lors d'une réunion le 9 octobre 2018 au matin de la commission AGRI - agriculture et développement durable -, le démocrate-chrétien français Michel Dantin, rapporteur de la commission sur le projet d'accord commercial UE-Maroc pour le Sahara Occidental a présenté son projet d'avis et invité le Parlement à soutenir cet accord. .

Lisez ici le projet d’avis complet de M. Dantin. Ses suggestions concernant la proposition de résolution sont disponibles ici.

A noter que l'argumentation actuelle du rapporteur amènerait logiquement les parlementaires à refuser l'accord, et non à suivre la conclusion qu'il propose : d'être pour. Dans son projet d'avis, le rapporteur :
 

  • "souhaite attirer l’attention sur le fait qu’une partie de la production de fruits et légumes exportée sous préférences vers l’Union au titre de l’accord en question (notamment les tomates et les melons) provient du territoire du Sahara occidental et que des projets très ambitieux existent pour développer encore cette production et ces exportations"
  • "insiste sur la persistance de sérieux problèmes de compétitivité pour les producteurs européens résultant de différentiels importants en termes de coûts de la maind’œuvre, de conditions de travail et de normes environnementales avec les producteurs marocains"
  • souligne que "des projets très ambitieux existent pour développer encore cette production et ces exportations [en provenance du Sahara occidental]", invitant ainsi la Commission à ne jamais hésiter "à activer la clause de sauvegarde prévue par l’accord" pour protéger les propres agriculteurs de l'UE face aux perturbations du marché.
  • "rappelle également l’avis adopté le 13 juillet 2011 par la commission de l’agriculture et du développement rural", "qui recommandait un refus d’approbation"
  • "s’inquiète de l’incapacité de la Commission de fournir des données fiables sur les importations sous préférences de produits provenant du Sahara occidental qui ont pu avoir lieu depuis cette date [le 21 décembre 2016] en dépit de l’arrêt en question" 
  • s’interroge sur l’ampleur du préjudice pour le budget de l’Union des préférences éventuellement accordées sans fondement juridique valable pendant cette période; exprime également des doutes, faute d’éléments de comparaison suffisants, sur la capacité de la Commission à évaluer correctement l’impact du nouvel accord proposé;
  • exprime des doutes sur la pertinence douanière et commerciale de la distinction opérée par le nouvel accord entre produits originaires du Sahara et produits originaires du Maroc. 


L'argument présenté par le rapporteur pour expliquer pourquoi le Parlement devrait soutenir la proposition est "afin de fournir dorénavant un cadre stable et incontestable aux échanges commerciaux avec un important partenaire de l’UE". C'est cependant loin d'être certain. La représentation du peuple du Sahara Occidental, le Front Polisario, a déjà annoncé une action en justice supplémentaire, car elle estime que le principe fondamental que le peuple du Sahara Occidental établit par la Cour européenne de justice (CJUE) - que le peuple doit consentir à tout accord UE-Maroc qui affecte son territoire - n'a pas été respecté. La Cour a mis en avant le critère du consentement dans son arrêt du 21 décembre 2016, qui concluait qu'aucun accord de commerce ou d'association de l'UE avec le Maroc ne pouvait être appliqué au Sahara Occidental.

Les députés sont critiques
La plupart des députés qui ont pris la parole dans le débat avaient encore de nombreuses questions à se poser, notamment en ce qui concerne le fondement juridique de la proposition. Le rapporteur Dantin et le président de la commission, Czeslaw Adam Siekierski (Pologne, PPE) ont fait valoir que la commission agriculture ne devrait pas s'occuper de questions non agricoles. Thomas Waitz (Autriche, Verts), Maria Noichl (Allemagne, S & D) et Lydia Senra-Rodriguez (GUE, Espagne) ne sont pas de cet avis et demandent des réponses à la Commission. 

La DG TAXUD, représentée par M. Perrau de Pinninck, a déclaré aux députés européens que la Cour n'avait pas exclu qu'un accord avec le Maroc puisse être étendu au Sahara Occidental, à condition qu'il y ait consentement. M. Perrau de Pinninck a toutefois précisé que la Commission ne pouvait organiser un référendum. Le peuple du Sahara Occidental a donc été largement consultée et la grande majorité des personnes consultées a exprimé son soutien à l'accord. Il a indiqué que certains, y compris le Front Polisario, s'opposaient au commerce proposé pour des raisons non économiques, ajoutant que le concept de consentement ne signifiait pas qu'il y avait consentement unanime. 

Il convient d'ajouter que sur la liste des 112 groupes et personnes présentés par la Commission comme des organes "consultés", le nom de Western Sahara Resource Watch apparaît avec 93 autres organisations qui n'avaient jamais été invitées à un processus de consultation ou avaient refusé d'y prendre part. Le Polisario est également inclus dans la liste - bien que la correspondance électronique entre la Commission européenne et le Polisario portant sur une réunion informelle organisée à la demande du Polisario pour engager l'UE dans les négociations commerciales à la suite de l'arrêt de la CJUE, a été utilisée à mauvais escient pour donner l'impression que le Polisario avait pris part au processus de consultation. Rien dans les courriers électroniques envoyés par la Commission ne fait allusion à une procédure de consultation. Des dizaines de groupes de la société civile sahraouie qui n'ont jamais été invités à participer à la consultation, mais qui avaient envoyé une lettre commune à l'approche de la Commission concernant la négociation de leurs terres avec le Maroc, sont également nommés comme ayant été consultés. 

"Une fois de plus, la Commission est malhonnête envers le Parlement", a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch. Aucun des 18 partis prenant - pas vraiment un grand nombre - qui ont pris par au processus de consultation ne représente le peuple du Sahara Occidental. Ils sont soit des hommes politiques élus aux élections marocaines tenues illégalement dans le territoire, ou des opérateurs économiques marocains. Le peuple sahraoui n'a pas été contacté pour obtenir son consentement et n’a pas été invité au processus de consultation, même si la Commission tente de donner l’impression qu’il l’a fait." 

En réponse aux questions d'autres députés sur le respect pour les produits du Sahara Occidental des normes imposées aux producteurs de l'UE, M. Perrau de Pinninck a déclaré que les normes phytosanitaires seront rigoureusement contrôlées et garanties à 100% de leur application au Sahara Occidental. Il a ajouté que l'accord prévoit un suivi et un échange d'informations avec le Maroc et que la Commission collabore avec les autorités marocaines pour obtenir des données fiables.

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