Les ambassadeurs des États membres de l'UE viennent de voter en faveur d'un accord de pêche et son protocole UE-Maroc sur la pêche, censés s'appliquer au Sahara Occidental. Un vote final des ministres de la pêche de l'UE est imminent.
Le vote a eu lieu aujourd'hui 28 novembre au niveau du COREPER - du Comité des représentants permanents des États membres de l'UE - qui peut déjà exprimer la position de leur gouvernement. Les ministres de la pêche des États membres de l'UE devraient adopter les textes lors de leur prochaine réunion les 17 et 18 décembre, puisqu'il semble que des lacunes en matière de procédure permette une adoption plus rapide.
Trouvez ici le texte du règlement du Conseil.
En février 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a conclu, dans une affaire intentée par Western Sahara Campaign - UK, que l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l'Union européenne et le Maroc et son protocole ne pouvaient pas être appliqués aux eaux adjacentes au Sahara Occidental puisque cela serait une violation du droit international, en particulier du principe de l'autodétermination. Le 19 juillet, la Cour a réitéré son arrêt dans l’affaire du Polisario sur l’accord de pêche. Cinq jours plus tard, la Commission européenne et le Maroc ont paraphé un accord et un protocole destinés à s’appliquer à ces mêmes eaux, sans permettre au peuple du Sahara occidental de se prononcer.
Hier, 95 groupes de la société civile de la partie occupée du Sahara occidental, des camps de réfugiés et de la diaspora ont adressé un appel au Conseil de l'UE et à la commission Pêche du Parlement européen, leur demandant "d'empêcher le pillage par l'Union européenne du poisson du peuple au Sahara Occidental". "Nous appelons tous les députés européens, membres de la commission PECH et les États membres à voter contre le projet d'accord de partenariat dans le secteur de la pêche qui vise à inclure illégalement le Sahara Occidental dans son champ d'application territorial. Sauvez notre poisson et notre peuple, sauvons les fondements juridiques de l'Europe et son honneur" déclare le texte. Lire ici l'appel complet.
Le Front Polisario, reconnu par l'ONU et représentant le peuple du Sahara Occidental, s'oppose également à l'accord de pêche proposé. Le service des affaires étrangères de l'UE (Service européen d'action extérieure ou SEAE) affirme publiquement que le Polisario refuse de discuter de la proposition. Plus tôt cette semaine, WSRW a publié une lettre du Polisario faisant la synthèse de ses tentatives de dialogue avec la Commission européenne, le Conseil et le SEAE, révélant que le SEAE ne présentait pas un compte rendu complet de cette affaire.
Afin de réclamer un soutien local à un nouvel accord de pêche, l'UE a "consulté" une douzaine d'organismes gouvernementaux marocains dans le territoire occupé. Aucune voix qui défend l'autodétermination du territoire n'est favorable au nouvel accord. Aucun n'a été entendu.
"Nous ne pouvons pas comprendre pourquoi les États membres de l'UE souhaitent renvoyer cette affaire devant la Cour de justice. Les arrêts sont d'une clarté limpide À l'heure où le droit international est sous pression et avec l'incident russe survenu dans la mer d'Asov, nous exhortons l'Union à être cohérente et à arrêtez de soutenir une agression tout en en défendant une autre. Ce serait quoi la suite ? Un accord de pêche UE-Russie dans les eaux ukrainiennes ? Nous appelons les capitales européennes à mettre fin à cette spirale d'injustice", a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.
Partager une très couteuse bouillabaisse
Les États membres semblent s'être mis d'accord sur la répartition des possibilités de pêche offertes par le protocole. L'Espagne obtiendra 92 licences sur les 110 disponibles, le Portugal 14 et la France 4. Ces licences permettraient de pêcher au Maroc et au Sahara Occidental.
Le quota attribué à la flotte pélagique industrielle, qui sera active exclusivement au Sahara Occidental, a été réparti comme suit. Pour la première année, un total de 85 000 tonnes seront attribuées entre (classé par importance) : les Pays-Bas - 26 102,4 tonnes, la Lituanie - 21 986,3 tonnes, la Lettonie 12 367,5 tonnes, l'Allemagne 6 871,2 tonnes, les Pologne et Royaume-Uni chacun 4 807,8 tonnes, l'Irlande 3 099,3 tonnes, la France 2 809,3 tonnes, le Portugal 1 652,2 tonnes et l'Espagne 496,2 tonnes. Ce classement est maintenu pour les trois années consécutives, avec augmentation du quota.
En contrepartie, l'UE versera au Maroc d'avantage d'argent des contribuables européens que dans le protocole précédent. Le protocole de 2013 coûtait à l'UE 30 millions d'euros annuels, répartis entre 16 millions d'euros de frais d'accès et 14 millions d'euros supplémentaires de soutien sectoriel - l'argent dépensé pour le développement du secteur de la pêche au Maroc. Cependant, cet argent a été principalement dépensé au Sahara Occidental occupé, ce que WSRW a démontré. Outre l'argent de l'UE, le Maroc a également perçu des redevances des pêcheurs européens, environ 10 millions d'euros par an.
La proposition actuelle coûtera progressivement plus cher chaque année. Pour la première année, l’UE versera au Maroc 19,1 millions d’euros pour l’accès, 17,9 millions d’euros pour l’aide sectorielle, et les pêcheurs débourseront 11,1 millions d’euros de redevances, soit un total de 48,1 millions d'euros. Pour la deuxième année, 50,4 millions d’euros seront versés, soit 20 millions d’euros pour l’accès, 18,8 millions d’euros pour l’aide sectorielle et 11,6 millions d’euros provenant des pêcheurs. Pour la troisième et la quatrième année, l’UE dépensera 21,9 millions d’euros en fonds publics pour l’accès, un soutien sectoriel de 20,5 millions d’euros et les pêcheurs paieront 12,7 millions d’honoraires, soit 55,1 millions d’euros. Au total, une augmentation significative, mais inférieure aux 80 millions d’euros demandés par le Maroc.
En contrepartie de ce chèque plus important, les Marocains offre un quota plus élevé de pélagiques - exclusivement au Sahara Occidental. La catégorie 6 de l'accord - couvrant le chalutage industriel pélagique ou semi-pélagique et la pêche à la senne - correspond à la zone comprise entre 26 ° 07'00 "N et 20 ° 46'13" N, entièrement située dans le Sahara Occidental occupé. En d'autres termes, le Maroc risque de recevoir plus d'argent des contribuables européens pour avoir offert plus de poisson d'un territoire sur lequel il n'a aucun droit.
Il convient de noter que l'augmentation du financement de l'UE ne correspond pas à une augmentation similaire des opportunités en matière de pêche. Alors que le Maroc offre environ 25% de poisson en plus - exclusivement dans des eaux sur lesquelles il n'a aucune souveraineté - les frais d'accès de l'UE ont augmenté d'environ 37%, tandis que le soutien sectoriel a augmenté de plus de 46%.
L'UE paye maintenant plus pour moins de poisson par rapport au protocole précédent.
M. Hans Corell, ancien conseiller juridique auprès du conseil de sécurité des Nations Unies, commente les activités de pêche de l'UE au Sahara Occidental.
415 députés ont soutenu le nouvel accord de partenariat dans le domaine de la pêche entre l'UE et le Maroc, qui s'appliquera expressément au Sahara Occidental occupé. Découvrez ici qui ils sont.