Le Conseil UE refuse la transparence sur l'avis pour l'accord de pêche
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"Vous pouvez avoir accès aux paragraphes 1 à 3, y compris les notes 1 à 7" a répondu le Conseil de l'UE à la demande de WSRW visant à ce que le public ait accès à son avis juridique sur l'inclusion du Sahara Occidental dans le nouvel accord de pêche UE-Maroc.
 

Publié 30 janvier 2019

Le 22 novembre 2018, Western Sahara Resource Watch (WSRW) a demandé l'accès à l'avis juridique du Conseil de l'UE sur le nouvel accord de pêche et son protocole proposé entre l'UE et le Maroc, qui sera explicitement appliqué au Sahara Occidental occupé.

La pratique controversée de l'UE en matière de pêche au Sahara Occidental découle d'un ancien accord hispano-marocain signé à l'époque franquiste. Peu de temps après, au moment où les Espagnols se retiraient de leur colonie, le Maroc envahissait militairement une grande partie du Sahara Occidental, sous la condamnation de l'ONU.

Les juristes du Conseil de l'Union Européenne ont perdu quatre procès consécutifs devant la Cour de justice de l'Union européenne contre les représentants du peuple du Sahara Occidental. À chaque fois, ils avaient omis de prendre en compte le fait qu'aucun accord ne pouvait être conclu au Sahara Occidental sans respecter le droit des Sahraouis à l'autodétermination.

Les décisions de la CJUE ont toutefois été systématiquement ignorées par les institutions de l'UE. Tout porte à croire que l'UE a encore oublié de s'attaquer à ce problème, car le nouvel accord doit être voté au Parlement européen en février. La représentation reconnue par l'ONU du peuple du Sahara Occidental, le Front Polisario, a déjà engagé des poursuites judiciaires contre le projet d'accord de pêche.

En conséquence, WSRW a demandé l'accès à l'avis juridique du Conseil sur le projet d'accord de pêche, dans le cadre de la législation de l'UE accordant aux citoyens de l'UE l'accès aux documents du Parlement de l'UE, de la Commission ou, en réalité, du Conseil.

Le 19 décembre 2018, le secrétariat du Conseil a répondu en envoyant les deux premières pages de l'avis juridique - les 14 pages suivantes avaient été supprimées.

Voyez ici l'avis juridique tronqué, ce que le Conseil a choisi de partager avec le public de l'UE.

Le document, tel qu’il a été envoyé à WSRW, ne contient littéralement que trois paragraphes d’introduction. La lettre d'accompagnement, expliquant pourquoi l'avis juridique ne peut pas être entièrement divulgué, est beaucoup plus longue. L’argumentation est quasi identique à celle qui a été donnée pour refuser à WSRW un accès complet à l’avis juridique sur l’extension de l’accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé. Voici les principaux arguments, et notre réfutation.

 

  • "l'accord et le protocole n'ont pas encore été définitivement conclus. Comme la contribution aborde des questions délicates, la divulgation de l'avis juridique pourrait avoir une incidence négative sur l'achèvement de la procédure en cours pour la conclusion de l'accord".
    Cela suggère apparemment que la divulgation de l'avis contrarierait le résultat souhaité par le Conseil : c'est à dire que le Parlement soutienne la proposition. Dans deux semaines, tous les membres du Parlement européen voteront en plénière sur l'accord proposé. Que le conseil refuse de partager son avis juridique soulève des questions quant à la solidité de l'analyse.

     
  • "l'avis juridique porte sur des questions sensibles dans le contexte des relations internationales et la divulgation du document demandé pourrait également avoir une incidence négative sur les relations de l'Union et de ses États membres avec le Royaume du Maroc." 
    WSRW maintient que le meilleur moyen de servir les relations importantes avec le Maroc est de se conformer aux lois internationales et européennes. Le Maroc mérite la clarté de l'UE. Procrastiner et remettre à plus tard l'inévitable - soit une nouvelle décision de justice établissant une distinction entre le Maroc et le Sahara Occidental - a un impact beaucoup plus négatif sur les relations de l'UE avec le Maroc que de casser le bricolage géo-politique en une seule fois maintenant.

     
  • La lettre fait également référence au recours en annulation formé par le Front Polisario le 14 juin 2018 contre la décision du Conseil d'autoriser la Commission européenne à ouvrir des négociations pour un accord de pêche et un protocole avec le Maroc (affaire T-376/18). La divulgation porterait donc "atteinte à la protection des procédures judiciaires", écrit le Secrétariat. "En outre, la divulgation de l'avis juridique pourrait également affecter la capacité du service juridique à défendre efficacement les décisions prises par le Conseil devant les tribunaux de l'Union." Encore une fois, si l’avis juridique est solidement fondé en droit, il ne devrait pas être difficile de le défendre devant la Cour - qu’il ait été rendu public ou non.

     
  • "Enfin, le service juridique pourrait être soumis à des pressions externes qui pourraient affecter la manière dont les conseils juridiques sont formulés et, partant, compromettre la possibilité pour le service juridique d'exprimer son point de vue sans subir d'influences extérieures." 
    C’est une crainte extrêmement troublante dans un système d’état de droit, tel que l’Union européenne, qui valorise l’indépendance de la justice. Il incombe à un service juridique de vérifier la conformité de la proposition avec la loi et de donner, sur cette base, un avis indiquant si la proposition est acceptable ou non. La transparence n'empêche pas la libre expression des avocats - le secret gouvernemental et l'influence indirecte pourraient être la plus grave menace. 

    Il est intéressant de noter que l’avis juridique semble couvrir non seulement le projet d’accord de pêche, mais aussi un cadre unique pour tout futur accord éventuel entre l’UE et le Maroc et destiné à s’appliquer au Sahara Occidental occupé. "les conseils juridiques fournis dans la contribution demandée vont au-delà du dossier actuel et ont une dimension plus horizontale, dans la mesure où ils pourraient être transposés à chaque fois qu'un accord entre les mêmes parties est envisagé. Les conseils juridiques sont donc délicats", écrit le Secrétariat. 

    Le Conseil de l'UE et le Maroc ont signé le nouvel accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable le 14 janvier 2018 à Bruxelles. Tous les représentants des États membres de l'UE, à l'exception de la Suède, soutiennent l'accord. Sa conclusion formelle devra attendre le vote en séance plénière du Parlement européen le 13 février 2018.
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