Un navire d'étude sismique franco-norvégien est entré par au moins quatre fois dans les eaux sahraouies. La société à l'origine de l'exploration blâme son client néerlandais.
Le navire d'étude sismique battant pavillon norvégien, l'Oceanic Vega, a réalisé au cours des derniers mois des études d'exploration sismique au large de la côte mauritanienne, avec des incursions dans les eaux au large du Sahara Occidental occupé.
Le navire est entré dans les eaux occupées à quatre reprises entre le 14 et le 22 septembre 2019. La frontière maritime entre la Mauritanie et le Sahara Occidental n'a jamais été officiellement définie, mais lors d'une négociation, elle pourrait aller soit directement ouest de la frontière terrestre internationale qui coupe la péninsule Ras Nouadhibou en deux, soit dans le prolongement de la frontière terrestre. Les quatre entrées dans les eaux sahraouies ont toutes eu lieu au nord de ces deux possible frontières, donc indéniablement dans les eaux sahraouies.
Dans une lettre du 4 novembre 2019, l'exploitant français du navire, CGG, a écrit à l'association solidaire du Sahara Occidental, APSO, que la société « ne choisit pas le lieu de ses opérations à terre et en mer ».
La société a également déclaré qu'« en Mauritanie, et sur le bloc C19 en particulier, le client nous a confirmé qu'il dispose des autorisations nécessaires pour effectuer les opérations sismiques en cours » et que l'Oceanic Vega est situé « à l'intérieur des frontières d'exploration ».
La société détenant les droits sur le bloc C19 est Shell. La multinationale néerlandaise a obtenu la licence mauritanienne C19 en juillet 2018. Le service de presse IHS a rapporté en juin 2019 que CGG s'était vu confier le travail d'exploration.
On ne sait pas pourquoi CGG et Shell peuvent affirmer si sûrement que la frontière mauritanienne se situe aussi loin au nord. Western Sahara Resource Watch n'a ni demandé d'éclaircissement aux autorités sahraouies ni à Shell.
Le navire Oceanic Vega appartient conjointement à CGG et à la société norvégienne Eidesvik AS. Le 2 octobre 2019, le Comité norvégien de soutien au Sahara occidental a écrit à Eidesvik pour lui demander si la société avait obtenu l'autorisation de pénétrer dans ces eaux et si des données sismiques avaient été obtenues du territoire.
"Eidesvik possède 50% du navire en question", a écrit Jan Fredrik Meling, président-directeur général d'EIdesik, le même jour.
"Le navire a signé un contrat de coque nue avec la société française de services sismiques CGG, qui l'exploite à son tour selon les contrats que CGG a avec ses clients. Si vous avez des questions concernant leurs opérations, vous devez vous adresser à CGG. Eidesvik n’a aucune influence sur les eaux dans lesquelles le navire est utilisé », a-t-il écrit.
Le 4 octobre 2019, le Comité norvégien de soutien au Sahara Occidental a envoyé des questions complémentaires auxquelles il n'a pas été répondu.
Western Sahara Resource Watch s'étonne du fait que CGG renvoie l'entière responsabilité sur son client.
"Il est extrêmement irresponsable de la part de toute entreprise de tout secteur commercial de ne pas avoir le contrôle de son lieu d'activité. Nous exhortons CGG et Eidesvik AS à suivre les pratiques des compagnies de transport responsables et à s'assurer que leur flotte n'est pas utilisée dans des zones en conflit, telles que des territoires sous occupation militaire ", a déclaré Sylvia Valentin, présidente de la WSRW.
Oceanic Vega a effectué l'opération alors qu'il était accompagné de deux plus petits navires de soutien, le Jan van Gent et le Aquarius. Le Jan van Gent a déjà été utilisé à plusieurs reprises pour de telles opérations au Sahara Occidental.
L'exploration pétrolière au Sahara Occidental viole le droit international. Cet avis a été exprimé pour la première fois dans un avis juridique des Nations Unies en 2002. Depuis lors, la Cour de justice de l'UE a pris des décisions fermes en matière d'accords commerciaux couvrant le territoire.
Quatre sociétés de services sismiques norvégiennes ont déjà exercé des activités au Sahara Occidental sur une mission du gouvernement marocain et ont depuis regretté leur implication.
Le courrier des APSO à CGG, 19 octobre 2019, est ici.
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