La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'accord sur les transports aériens entre l'UE et le Maroc ne s'appliquait pas au Sahara Occidental.
Le 30 novembre 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a déclaré pour la quatrième fois que le Maroc n'avait aucune souveraineté sur le Sahara Occidental - cette fois dans un arrêt concernant le nouvel accord sur les transports aériens entre l'Union européenne et le Maroc entré en vigueur plus tôt cette année.
Trouvez la décision sur le site de la Cour en suivant le lien.
L’arrêt précise qu’il y a lieu de "comprendre la notion de « territoire du Maroc » comme renvoyant à l’espace géographique sur lequel le Royaume du Maroc exerce la plénitude des compétences reconnues aux entités souveraines par le droit international, à l’exclusion de tout autre territoire, tel que celui du Sahara occidental. En effet, l’inclusion du territoire du Sahara occidental dans la notion de « territoire du Maroc » enfreindrait certaines règles de droit international général applicables dans les relations entre l’Union et le Royaume du Maroc, à savoir le principe d’autodétermination, rappelé à l’article 1er de la charte des Nations unies, et le principe de l’effet relatif des traités, dont l’article 34 de la convention de Vienne sur le droit des traités"(art27). "L’Union ne saurait valablement partager une intention du Royaume du Maroc d’inclure le territoire en question dans le champ d’application dudit accord"(art33).
La Cour reconnaît que le Polisario pourrait déposer plainte, étant individuellement concerné uniquement "si l'accord sur les services aériens est applicable sur le territoire du Sahara occidental" (art. 25-26).
Comme indiqué au paragraphe 18, le Conseil de l’UE a déclaré à la Cour que "l’accord relatif aux services aériens ne s’applique pas au territoire du Sahara occidental", faisant ainsi de la Commission de l’UE la seule institution de l’UE défendant l'inclusion du Sahara Occidental, ce qu'elle a fait publiquement devant le Parlement européen en octobre 2017.
Cet accord a constitué un défi important pour les Sahraouis, alors que le Maroc tente de normaliser sa présence illégale sur le territoire par le biais de relations commerciales et du tourisme. Le Maroc a particulièrement tenté de faire de la ville de Dakhla un paradis pour le kite surf et la mise en place de liaisons aériennes internationales. Les vols en provenance de Dakhla sont également utilisés pour transporter du poisson congelé du territoire occupé vers l'Espagne.
"Des compagnies aériennes telles que Transavia, Binter ou Royal Air Maroc n'ont plus aucun argument juridique pour effectuer des vols entre El Aaiun ou Dakhla et l'Union européenne", a déclaré M. Mhamed Khadad, le représentant du Polisario à la Mission des Nations Unies pour le Sahara Occidental, ajoutant que le jugement "a une portée beaucoup plus large". "Aucun accord international n'est applicable à l'espace aérien du Sahara Occidental, et aucune autorité ne peut prendre de décision pour assurer la sécurité juridique des avions qui souhaitent transiter sur le territoire".
La nouvelle décision semble en effet avoir des implications directes pour des compagnies telles que Transavia, qui a ouvert une compagnie aérienne reliant Paris à Dakhla au Sahara Occidental. Le Polisario a engagé une action en justice contre Transavia devant le procureur de la République près la Haute Cour de Paris en octobre dernier, invoquant une violation du code pénal français qui criminalise la colonisation. Transavia est l'une des six sociétés citées dans la plainte déposée par le Polisario avec des banques, une compagnie d'assurance et une agence de tourisme.
Le député espagnol au Parlement européen Florent Marcellesi (Verts/ALE) a réagi à la nouvelle ce matin. "Je salue une nouvelle victoire majeure pour le peuple sahraoui devant le tribunal de l'Union européenne et une nouvelle condamnation honteuse de la Commission par la plus haute juridiction de l'Union européenne. Comme l'a maintes fois dénoncé le groupe des Verts au Parlement européen, l'application de l'accord d'aviation UE-Maroc au Sahara Occidental occupé est illégal, ce qui a des conséquences immédiates pour les transporteurs et les passagers de l'UE, notamment des îles Canaries, qui ne disposent pas de légitimité à voler à destination et en provenance du Sahara Occidental. Les Verts vont saisir immédiatement la Commission pour obtenir des éclaircissements sur les conséquences de cette décision. Nous espérons que cela ouvrira les yeux de la commission sur l'illégalité des accords proposés dans le secteur de la pêche et de l'agriculture qu'il tente d'imposer au parlement, mais qui recevront le même accueil de la cour de justice s'ils sont adoptés. Combien faudra t'il d’autres défaites devant la cour pour que l’UE comprenne enfin que le droit compte, y compris dans la conduites des relations extérieures ?"
Le 1er avril de cette année, le Polisario a engagé une procédure visant à mettre fin à l'application de l'accord au Sahara Occidental, affirmant que les parties engagées, le Maroc et l'UE, ne sont pas compétents pour conclure un tel accord couvrant le territoire.
Le Maroc a été le premier pays hors Europe à signer un tel accord sur l'aviation avec l'UE. L'accord aérien avec le Maroc est provisoirement en vigueur depuis décembre 2006. En février 2014, la Commission européenne a proposé une version modifiée de l'accord, qui tient compte des modifications intervenues au sein de l'UE (trois nouveaux États membres depuis 2006 et le traité de Lisbonne). Cet amendement a été approuvé par le Parlement européen en octobre 2017. Les États membres ont conclu l'accord le 22 janvier 2018.
Le 16 mai 2018, la Commission a déclaré devant le Parlement européen qu'elle "examine actuellement si la jurisprudence récente de la Cour de justice européenne a des implications pour l'accord aérien euro-méditerranéen".
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