Pour la deuxième année consécutive, le gouvernement marocain a consacré la majeure partie du soutien sectorielle à la pêche attribué par l'UE au développement de l'industrie de la pêche au Sahara Occidental occupé. Et l'UE en est pleinement consciente.
Dans le cadre de l'accord de partenariat UE-Maroc en matière de pêche, entré en vigueur en juillet 2014, le Maroc reçoit annuellement 14 millions d'euros destinés au développement de son secteur pêche. Le Maroc devrait rendre compte chaque année à la Commission européenne de la répartition géographique de ce soutien sectoriel. Et pour une deuxième année consécutive, la majeure partie de l'aide est dépensée à l'extérieur du Maroc, et dans la partie du Sahara Occidental que le Maroc tient sous occupation militaire depuis 1975.
Cela ressort clairement du deuxième rapport du Maroc, détaillant ses dépenses géographiques du soutien sectoriel pêche de l'UE dans le « "Rapport sur la mise en oeuvre de l'appui sectoriel au titre de la deuxième année du Protocole", dont WSRW a obtenu une copie.
Téléchargez le rapport ici.
De son propre aveu, le Maroc a consacré au Sahara Occidental au moins 58,6% du soutien sectoriel - soit 8,2 millions d'euros - au cours de la deuxième année de l’accord de pêche. Le rapport lui-même ne contient pas les mots « Sahara Occidental », car ce concept est tabou au Maroc. À la page 15, se trouve un tableau indiquant les dépenses dans les 12 régions administratives. Deux de ces régions sont entièrement en Sahara Occidental : « Laayoune-Saguia El Hamra » et « Dakhla-Oued Eddahab », qui ont respectivement reçu 1,92 million d'euros (13,7%) et 6,28 millions d'euros (44,9%). La région administrative « Guelmim-Oued Noun » chevauche la frontière du Sahara Occidental, mais à l’est, et donc probablement n’est pas sur des activités liées à la pêche.
Plus tôt cette année,
WSRW a largement couvert le premier rapport de dépenses du Maroc - ses dépenses géographiquement situées du soutien sectoriel pendant la première année de l’accord de pêche. Sur les 25 projets financés par l'UE au titre de la première année de fonctionnement de l'accord de pêche, 10 étaient situés au Sahara Occidental. 10 autres projets étaient en partie au Sahara Occidental.
Pour la deuxième année, le Maroc a demandé un financement de l'UE pour 32 projets de pêche : 14 d'entre eux sont situés au Sahara Occidental et 12 en partie au Sahara Occidental. La liste de tous les projets financés par l'UE qui se trouvent en totalité ou en partie dans le Sahara Occidental occupé est présentée ci-dessous.
La Commission européenne est pleinement consciente du fait qu'elle finance des projets situés dans des territoires occupés. Comme le stipule le protocole de l’accord de pêche, le gouvernement marocain doit d'abord faire une présentation des projets qu'il considérerait comme éligibles au soutien sectoriel de l'UE. La Commission Européenne doit alors accepter expressément de financer ces projets à terme échu. Une fois accordée par l'UE, le Maroc peut procéder à la mise en œuvre des projets, et l'UE rembourse un an plus tard, conformément aux progrès accomplis.
Dans son deuxième rapport de dépenses, le Maroc a également annoncé des projets qu'il lancera l'an prochain. Il s'agit notamment de l'achat d'un navire de pêche de formation (palangrier) utilisé à El Aaiun, au Sahara Occidental. Le Maroc va également déprogrammer un projet de construction à Tibouda (au Maroc) afin de financer le travail de trois villages de pêcheurs dans la région administrative de Dakhla-Oued Eddahab, qui est entièrement située dans le Sahara Occidental occupé (voir le projet 14 ci-dessous pour plus d’info).
PROJETS AU SAHARA OCCIDENTALDe 1 à 10 sont listés les projets lancés pendant la première année de l'accord de pêche, de 12 à 14 les nouveaux. Le projet 11 figurait dans le rapport de l'année dernière, mais décrit comme un système d'observation qui pouvait être appliqué à toutes les eaux sous le contrôle du Maroc. Aujourd'hui, il est clair qu'il est en fait situé au Sahara Occidental. Pour plus d'informations sur les projets 1-10,
voir ici.
1. Construction d'une salle de congélation «nouvelle génération» à Dakhla
2. Fourniture d'énergie solaire au point de débarquement aménagé à Aftiessat
3. Fourniture d'énergie solaire au point de débarquement aménagé à Lamhiriz
4. Construction de locaux pêcheurs dans le port de Boujdour
5. Création d'un point de débarquement aquacole dans la baie de Cintra
6. Construction d'un laboratoire spécialisé en aquaculture à Dakhla
7. Construction d'une ferme aquacole expérimentale à Dakhla
8. Construction de CAPI à Dakhla (Comptoir d’Agréage du Poisson Industriel)
9. Construction de CAPI à El Aaiun
10. Mise à niveau de la halle aux poissons de Lamhiriz
11. Observation du milieu marin avec un système d’observation d’océanographie opérationnelleLe titre sonne comme un projet générique, mais il s'avère être spécifique au site. L'an dernier, comme il n'y avait pas d'emplacements concrets dans le premier rapport annuel sur les dépenses, WSRW a estimé que cela serait en partie au Sahara occidental. Le rapport de cette année clarifie que le système d'observation se compose d'une seule bouée de 6.2 mètres de haut, pesant environ 2,5 tonnes avec un corps mort en béton de 7,5 tonnes pour le maintenir en position. Le dispositif devait être installé dans la région de Dakhla (23° 30° N), au Sahara Occidental, début octobre. La bouée a été fabriquée à Casablanca, au prix total de 12 millions de Dirham marocains (MAD). Le Maroc demande le versement d’un montant de 5,85 millions de MAD (540 000 euros) pour les travaux effectués sur ce projet au cours de la deuxième année de l'accord de pêche.
12. Renforcement du contrôle des débarquements à DakhlaLe projet consiste à acheter du matériel de pesage et de surveillance à utiliser dans le port de Dakhla. Le projet coûterait 40 millions de MAD, à financer entièrement par le soutien sectoriel de l'UE. Notez que dans le cadre de l'accord de pêche, les navires de l'UE ont une obligation de débarquement : Ils doivent laisser un certain pourcentage des captures localement pêchées (dépendant des espèces) dans les ports voisins. Ces captures peuvent ensuite être vendues à l'industrie locale de transformation du poisson. Le Maroc demande que 7,50 millions de MAD, soit 700 000 euros, soient versés pour les travaux effectués au cours de la deuxième année de fonctionnement de l’accord de pêche.
13. Travaux de mise à niveau de la zone industrielle de DakhlaCe programme se compose de six projets choisis par le gouvernement marocain qui accordent aux opérateurs privés des possibilités de pêche en contrepartie de la construction d'unités de transformation dans une zone industrielle nouvellement développée située à la sortie du port. Les travaux coûtent 431 millions de MAD. L'UE pourrait débourser 30 millions de MAD. 2,7 millions de MAD (250 000 euros) sont demandés pour le travail effectué pendant la deuxième année opératoire de l'accord de pêche.
14. Construction de logements embryonnaires dans trois villages de pêcheursLes villages de pêcheurs choisis sont Labouirda (140 km au sud de Dakhla), Ain Beida (60 km au sud de Dakhla) et N'tireft (60 km au nord de Dakhla). Labouirda sera équipé de logements, d'espace de stockage d'essence et de magasins. Ain Beida sera doté de stockage d'essence et de magasins, tandis que N'tireft obtient des logements et des magasins. La proposition initiale comprenait deux autres villages de pêcheurs,Tarouma et Agti El Ghazi - tous deux également au Sahara Occidental - ont été échangés pour Ain Beida et N'tireft. Le changement apporté au projet entraîne des dépenses plus élevées que prévu initialement : de 35,2 millions à 57,2 millions de MAD. La modification des plans a retardé la mise en œuvre, qui est maintenant prévue pour la période 2016-2020. Le Maroc demande maintenant à l'UE de verser 0,22 million de MAD (20 000 euros) pour rembourser les travaux effectués au cours de la deuxième année de l’accord de pêche.
PROJETS PARTIELLEMENT MIS EN ŒUVRE AU SAHARA OCCIDENTALLes projets 15 à 23 ont été lancés au cours de la première année de l’accord de pêche, les 24 à 26 sont nouveaux. Pour plus d'informations sur les projets 15-23,
voir ici.
15. Construction des murs de clôtures des ports (quatre des quatorze sites sont situés au Sahara Occidental occupé)Inclus dans le premier rapport de dépenses marocain comme un projet à réaliser sur 9 sites (dont quatre situés au Sahara Occidental), le contenu a été modifié pour inclure désormais 14 sites. Trois des quatre sites du Sahara Occidental ont été retenus (Dakhla, Boujdour et El Aaiun), tandis qu'un autre - Lamhiriz - semble avoir été échangé pour Ain Beida, au sud de Dakhla. Il n'est pas clair pour WSRW si la construction du mur préfabriqué de Lamhiriz a été terminée, ou si l'idée a été abandonnée. Le rapport indique que l'ensemble du projet a été achevé et que tous les murs ont été érigés dans les lieux cités.
16. Campagne d'exploration offshore (secteurs 2 et 3 englobant le Sahara Occidental)Sous-titré «campagne de prospection offshore» dans le précédent rapport, le prix de ce projet particulier est passé de 40 millions à 60 millions de MAD - bien que le contenu semble inchangé.
17. Tunnels de lavage pour la conservation du poisson (trois des quatre sites sont situés au Sahara Occidental)
18. Construction d'installations de stockage (trois des quatre sites sont situés au Sahara Occidental)
19. Matériel de transport (trois des cinq emplacements sont au Sahara Occidental)
20. Inventaire, évaluation et classification des ressources côtières (supposé partiellement au Sahara Occidental, mais non précisé)
21. Harmonisation du système d'exploitation (supposé en partie au Sahara Occidental mais non précisé)
22. Soutien aux associations socioprofessionnelles (présumé en partie au Sahara Occidental, mais non précisé)
23. Achat de 20 véhicules tout-terrain pour la surveillance dans le cadre de la lutte contre la pêche INN (Illicite, Non déclarée et Non réglementée)Tous les véhicules ont été achetés. Sur les 20, 5 seront utilisés au Sahara Occidental. Un véhicule est affecté à chaque port indiqué, à l'exception de Dakhla, équipé de trois véhicules.
24. Prospection des fonds marins rocheuxLe manque de connaissances sur les espèces vivant dans ces zones particulières, motive le gouvernement marocain à entreprendre ce projet qui consiste à louer un palangrier, à obtenir le matériel scientifique nécessaire et à entreprendre des campagnes d'inspection. On peut supposer que ce projet sera également réalisé au Sahara Occidental, car les catégories de poissons ciblées comprennent les stocks présents dans les eaux du territoire. Le projet coûtera 8 millions de MAD. Le Maroc demande un montant de 2,16 millions de MAD (200 000 euros) pour le troisième exercice de l’accord de pêche.
25. Mise à niveau des antennes de santé des gens de mer dans les portsCe projet consiste à améliorer 18 postes de santé, dans lesquels les pêcheurs seront suivis pour leurs santé, la prévention des maladies professionnelles, et l’hygiène à bord et sécurité au travail. Les lieux ne sont pas inclus dans le rapport, mais les images du poste de santé à Boujdour sont incluses. L'ensemble du projet s'élèvera à 4 millions de MAD, dont 1,80 million de MAD (170 000 €) pour la troisième année de l'accord de pêche.
26. Création d'un réseau d'observateurs scientifiques de la pêche artisanale par la formation de correspondants issus des pêcheurs locauxLe projet sera réalisé dans 15 à 20 sites (non encore précisés) le long du littoral du Maroc et donc probablement aussi du Sahara Occidental. Les pêcheurs recevront une formation pour surveiller les espèces et les stocks. Le projet coûtera 7 millions de MAD. En raison d'un manque de progrès, et donc d'un manque d'objectifs, le Maroc demande qu’1,89 million MD (€ 170 000) ne soit pas versé pour la troisième année de l’accord de pêche