Engie avance sur les terres occupées
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Trois mois après la condamnation par la société française Engie de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la société signe des accords pour commencer la construction d'un grand projet hydraulique au Sahara Occidental, en partenariat avec le gouvernement de l'occupant illégal, le Maroc.

06 juillet 2022

Photo : « Les Domaines Agricoles » (ex-Domaines Royaux) est la plus grande entreprise agroalimentaire du Maroc et appartient à la holding du roi du Maroc. En photo la plantation près de Dakhla, au Sahara Occidental occupé, qui sera l'un des bénéficiaires du projet de dessalement d'Engie dans le territoire occupé. Photo @ellilorz.

Le 22 juin 2022, la multinationale française de services publics Engie a signé plusieurs accords de partenariat public-privé (PPP) et un protocole d'accord avec le gouvernement marocain, pour la réalisation du projet de dessalement à Dakhla, une ville située sur la côte du Sahara Occidental occupé.

En présence du Premier ministre marocain Aziz Akhannouch, des accords ont été signés entre les ministères marocains de l'agriculture, de la pêche, du développement rural, des voies navigables et des forêts, l'agence nationale marocaine de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et la joint-venture 50/50 Dawec (« Dakhla Water & Energy Company ») détenue par Engie et Nareva, la société d’énergie du roi du Maroc.

Le journal marocain Le Desk a publié une photo de groupe de la société française avec les responsables marocains à l'occasion de la signature d'accords pour des projets dans le territoire occupé. Cela ne fait que trois mois qu'Engie a condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le projet envisagé par Engie est situé sur un terrain sur lequel le gouvernement marocain ne détient aucun titre légal. Dakhla est située dans la partie du Sahara Occidental qui a été illégalement envahie par le Maroc en 1975. Alors que le Maroc continue d'occuper militairement les deux tiers du Sahara Occidental, sa revendication de souveraineté sur le territoire a été rejetée par la Cour internationale de justice, et les dernières années également par la Cour de justice de l'UE. Les Nations Unies considèrent le Sahara Occidental comme un territoire non autonome sans puissance administrante en place. Lorsque le Maroc a étendu son occupation à la péninsule de Dakhla en 1979, l'Assemblée générale des Nations Unies a exhorté le Maroc à cesser son occupation du Sahara Occidental.

Engie a été engagé par le gouvernement marocain pour construire une station de dessalement éolienne à environ 75 km de Dakhla. L'objectif principal de la station est de faire avancer les projets du gouvernement marocain de transformer 5 000 hectares supplémentaires de terres en plantations et en serres. Aujourd'hui, l'activité agricole dans la région de Dakhla se caractérise par des fermes industrielles tournées vers l'exportation, appartenant à des hommes d'affaires marocains ou à la monarchie marocaine, spécialisées dans les tomates et les melons expédiés vers l'UE. L'accord commercial UE-Maroc qui prétend organiser cette exportation particulière depuis le Sahara Occidental occupé, a été invalidé par la Cour de justice de l'UE en 2015, 2016 et à nouveau en septembre 2021. La Cour a indiqué que puisque le Sahara Occidental est séparé et distinct de tout pays du monde, donc du Maroc, et que ce dernier n'a ni souveraineté ni mandat d'administration sur le territoire, un accord entre l'UE et le Maroc ne peut être appliqué au territoire, sauf avec le consentement explicite du peuple du territoire, exprimé par le biais de sa représentation à l'ONU, le Front Polisario.

Le Maroc tient cependant à développer l'activité agricole dans la région, bien qu’elle soit d’une taille modeste par rapport à l'agriculture au Maroc. Le but principal de l'agriculture à Dakhla n'est en fait pas de nature économique, mais plutôt de nature politique, pour susciter un soutien implicite à la revendication intenable du Maroc sur le territoire qu'il maintient sous occupation par la force.

En réponse aux questions de WSRW, Engie a fait référence à « deux analyses juridiques données par de grands cabinets d'avocats ; une étude d'impact social et environnemental a été réalisée, ainsi que la consultation des communautés locales ». Pourtant, la société ne met aucun de ces documents à la disposition du public, ou - plus important encore - à l'évaluation du peuple ayant des droits souverains sur le Sahara Occidental : les Sahraouis.

Engie a engagé en 2021 la société Global Diligence pour mener une dite « consultation » des parties prenantes, localement sur le territoire occupé. Les questions posées par WSRW à Global Diligence restent sans réponse. Ironiquement, Global Diligence a en parallèle travaillé sur les violations des droits de l'homme commises dans les parties occupées de l'Ukraine.

Les travaux sur la station de dessalement prévue par Engie devraient bientôt commencer. La station de dessalement et le parc éolien connecté nécessiteront 30 mois, tandis que le système d'irrigation peut prendre jusqu'à 24 mois. Une fois achevée, la station desservira non seulement les entreprises agroalimentaires voisines, mais également le nouveau port géant « Dakhla Atlantique » que le gouvernement marocain est en train de construire pour exploiter davantage les stocks de poissons de la région.

Dawec a été constituée en février 2019 pour la mise en œuvre et l'exploitation du projet de dessalement à Dakhla. Le ministère marocain de la transition énergétique et du développement durable a provisoirement autorisé le parc éolien en juin 2021, tandis que le déplacement du site a été approuvé deux mois plus tard. Il convient de noter que les autorisations du gouvernement marocain n'ont aucune valeur juridique au Sahara Occidental.

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