La compagnie française ENGIE va construire des infrastructures au Sahara Occidental et a engagé le cabinet de conseil Global Diligence pour blanchir ses opérations avec la puissance occupante.
La multinationale française d'électricité ENGIE va construire une usine de dessalement à proximité de Dakhla, au Sahara Occidental occupé. La société a confirmé le fait début janvier 2021, en réponse à un courrier de Western Sahara Resource Watch (WSRW).
ENGIE a déclaré à WSRW avoir retenu les services du cabinet de conseil Global Diligence pour « consulter toutes les parties prenantes impliquées » en relation avec le projet. Cependant, ni ENGIE ni Global Diligence ne souhaitent faire la lumière sur le processus qu'ils ont entamé.
Le 20 janvier 2021, Global Diligence a invité WSRW à échanger. Trois jours plus tard, le 23 janvier, Global Diligence a envoyé des informations supplémentaires, déclarant avoir entamé « la phase initiale de notre processus préliminaire d'implication des parties prenantes, qui se concentrera sur les avantages escomptés et potentiels de l'installation de dessalement près de Dakhla ». WSRW a été essentiellement invité à aider « à identifier et à prendre contact avec un large éventail de bénéficiaires prévus et potentiels du projet de manière permanente ». Global Diligence encouragerait ces « parties prenantes » à « participer avec nous [Global Diligence] dans un esprit de réalisme et de compromis ».
Dans un courrier adressé à Global Diligence le 3 février 2021, WSRW refusait de participer à un tel processus qui ne respecte pas les principes juridiques de base qui s'appliquent au Sahara Occidental, à savoir que le territoire est séparé et distinct du Maroc, que le Maroc n'a pas de mandat légal pour administrer le territoire et que le peuple du territoire a droit à l'autodétermination. Comme énoncé par la Cour de justice de l'UE et par plusieurs organes des Nations Unies, le peuple du Sahara Occidental doit donner son consentement. Pour autant que WSRW puisse en juger, ce peuple n’a jamais consenti au projet de dessalement par ENGIE au nom du gouvernement marocain dans leur territoire occupé.
Global Diligence a alors répondu le 15 février qu’elle ne répondrait pas aux questions envoyées par WSRW concernant l’étude présumée des « parties prenantes » sur le territoire occupé.
WSRW est très préoccupé par le projet d'infrastructure de l'entreprise française.
« Plutôt que de demander aux propriétaires réels du territoire leur autorisation pour le projet, ENGIE a conclu un accord avec le gouvernement occupant et tente désormais de dissimuler cette approche tout à fait contraire à l'éthique en recourant à une consultation des « parties prenantes » présumées », déclare Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch. « Il est inquiétant qu’une organisation comme Global Diligence accepte d’être utilisé à cette fin. »
WSRW a en outre demandé à Global Diligence et à son client ENGIE de clarifier et de rendre public le but de la consultation, son mandat et son calendrier, la méthodologie de sélection des « parties prenantes », son évaluation du statut juridique du Maroc sur le territoire et la validité juridique du contrat signé par ENGIE avec le Maroc - pays voisin - pour les terres occupées.
Global Diligence a répondu ne souhaiter répondre à aucune de ces questions. ENGIE est resté silencieux à ce jour.
« Ces aspects sont fondamentaux pour le peuple sahraoui », a écrit WSRW dans un courrier à Global Diligence le 16 mars 2021. « Nous allons donc publier la correspondance sur notre site Internet, afin que l'opinion publique en Europe et au Sahara Occidental ait accès aux informations sur l'existence du soi-disant « processus d'implication des parties prenantes » initié par ENGIE à propos de l’infrastructure controversée qu’elle a signé avec le Maroc, la puissance occupante à Dakhla. »
Global Diligence est un cabinet juridique international basé à Londres et Paris. L'entreprise se présente comme experte des droits de l'homme et des « problèmes juridiques complexes dans les régions instables et touchées par les conflits ». Le site Web comporte un segment dédié à l'autodétermination, bien qu’appliqué uniquement dans des contextes de conflits séparatistes et de droits autochtones dans des États reconnus - ce qui est différent du droit à l'autodétermination d'un peuple colonisé.
« Comme bien établi par la Cour internationale de Justice, le Sahara Occidental n'a jamais fait partie du Maroc », poursuit S. Eyckmans. « Il est à noter que Global Diligence adopte la représentation erronée des faits de base que nous avons l'habitude de lire chez les entreprises qui cherchent à faire du profit dans le territoire occupé via un accord avec le Maroc, écartant ainsi le peuple qui a le droit souverain de décider du statut de sa terre et de ses ressources. »
Global Diligence a beaucoup travaillé sur la situation en Crimée occupée. En 2019, Global Diligence s'est associée à l'Union ukrainienne des droits de l'homme d'Helsinki sur une importante communication au Bureau du procureur de la Cour pénale internationale. Global Diligence qualifie la péninsule de Crimée comme « annexée » par la Russie et exige de la CPI un examen « des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis dans l'est de l'Ukraine » et « une enquête approfondie sur l'affaire puisque la Fédération de Russie poursuit ses actions agressives vers l’Ukraine ». « Il est de la plus haute importance de mettre fin à cette impunité de 5 ans de l'État agresseur », souligne Global Diligence.
Global Diligence ne souhaite cependant pas expliquer comment elle considère le statut juridique du Sahara Occidental ou la présence du Maroc sur le territoire.
ENGIE a obtenu en décembre 2018 un contrat avec le gouvernement marocain pour l'usine de dessalement, après avoir emporté un appel d'offres dans lequel l'entreprise s'était associée à Nareva, une société d'énergie marocaine détenue à 100% par le roi du Maroc. Comme le rapportent les médias marocains, l'installation devrait principalement profiter à l'agro-industrie près de Dakhla : d'immenses plantations qui appartiennent soit à des conglomérats franco-marocains soit au roi du Maroc lui-même, et qui épuisent actuellement les réserves d'eau souterraines limitées de la zone.
La construction de l'usine éolienne de dessalement coûte près de 2 milliards de dirhams marocains. Le méga-projet, visant à irriguer 500 hectares de terres agricoles, a été annoncé en 2016. Le ministère marocain de l'Agriculture a mandaté le consortium Engie-Nareva pour cofinancer, concevoir, construire, entretenir, gérer et exploiter l'usine de dessalement et infrastructure d'irrigation connectée.
L'usine de dessalement et le parc éolien de 40 MW seront mis en œuvre par une joint-venture des sociétés Nareva Renouvables SA et International Power SA.
ENGIE serait également impliqué dans un certain nombre d'autres projets dans la partie occupée du Sahara Occidental.
La multinationale française ENGIE opère au Sahara Occidental occupé. WSRW et l'association française Apso ont écrit aujourd’hui à la société pour lui demander comment elle envisageait les aspects éthiques et juridiques de telles opérations.
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