Le Maroc propose un juriste pour un organe non juridique de l'ONU
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En plein différends maritimes maroco-espagnols au large du Sahara Occidental, le Maroc fait pression pour qu'un défenseur de l'occupation du Sahara Occidental siège à un important organe scientifique de l'ONU chargé des frontières maritimes continentales.

05 mai 2022

Le gouvernement marocain pousse actuellement la candidature du professeur Miloud Loukili à un siège de la Commission des limites du plateau continental. Rabat demande aux États membres de l'ONU de soutenir sa candidature, dans des courriers envoyés à différents gouvernements, d'après les informations reçues par Western Sahara Resource Watch.

L'organe scientifique de l'ONU décide des délimitations des frontières continentales, ce qui signifie qu'il définit la zone exacte où le plateau continental offshore de différents pays plonge dans les eaux profondes. Ceci est pertinent dans tous les contextes où le plateau s'étend au-delà de la zone économique exclusive de 200 milles marins.

Selon l'article 2 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, chacun des 21 membres de la commission doit être "un expert dans le domaine de la géologie, de la géophysique ou de l'hydrographie".

M. Loukili est un juriste marocain avec une longue carrière en droit, mais sans expérience formelle dans les domaines requis pour siéger à la Commission. WSRW a vu le CV du juriste, tel qu'il est transmis aux gouvernements.

Les élections pour l'organe de l'ONU auront lieu à la mi-juin 2022. Les membres actuels de la Commission - qui ont été élus pour une période de cinq ans en 2017 - termineront leur mandat lors de la même session. Ceux qui siègent à la commission basée à New York servent à titre personnel.

M. Loukili est cité dans les courriers du gouvernement marocain comme « un éminent spécialiste » du droit maritime qui est « très impliqué dans le processus multilatéral lié à la mise en œuvre de la CNUDM » (Convention des Nations Unies sur le droit de la mer).

Ce que le gouvernement marocain omet de mentionner, c'est que le CV du professeur Loukili n'inclut pas les qualifications formelles requises pour siéger à la Commission. Ce qui est également retenu, c'est que M. Loukili est un ardent défenseur de la position du gouvernement marocain sur ce qu'il appelle le "Sahara marocain" ou "notre Sahara". Il a ouvertement appelé à faire connaître la position marocaine "sur tous les fronts" à l'international.

Lors d'un événement organisé par le service d'information du gouvernement marocain MAP à Rabat en 2018, il a déclaré qu'il "faudrait absolument et de la façon la plus claire et je parle en tant que juriste, sensibiliser sur tous les fronts l'opinion publique internationale, sur la légalité de la position marocaine".

Sa participation à l'événement MAP était naturelle, dit-il, car "tout ce qui touche à la cause nationale ne peut me laisser indifférent". Retrouvez l'intégralité de son intervention ici.

L'article continue sous la vidéo.

"Je suis un juriste spécialisé en droit international, plus particulièrement le droit de la mer, le droit océanique. […] Et je me dois aujourd'hui, modestement, d’apporter ma pierre à l’édifice, pour éclairer l'opinion publique nationale et surtout l'opinion publique internationale, à ce qui se passe dans notre Sahara", a déclaré Loukili.

"Le Maroc considère le territoire du Sahara dans ses frontières authentiques, comme faisant partie totalement et intégralement de son territoire." Il cite le roi marocain déclarant que "l'essentiel ce n'est pas toujours de se poser la question de ce que la patrie fait pour nous, mais ce que nous faisons pour la patrie".

Les déclarations hautement politiques - suggérant que le Sahara Occidental fait partie du Maroc - sont contraires à toutes les résolutions de l'ONU et aux tribunaux internationaux qui se sont penchés sur la question.

La CIJ, la CJUE et l'ONU sont parfaitement claires sur le fait que le Maroc n'a aucun mandat légal pour être présent au Sahara Occidental. La dernière décision de la CJUE du 29 septembre 2021 a de nouveau établi que le Maroc et le Sahara Occidental sont des territoires "séparés et distincts" en vertu du droit international, et que les traités commerciaux ne peuvent couvrir le Sahara Occidental sans le consentement explicite du peuple du territoire, à travers son représentant officiel, le mouvement de libération nationale le Polisario.

Les eaux au large du Sahara Occidental ont fait l'objet de nombreux différends, principalement entre le Maroc et le peuple sahraoui, mais aussi entre le Maroc et l'Espagne.

M. Loukili notait dans un récent article du magazine Marine et Océans que la commission dans laquelle il souhaite désormais siéger avait reçu "plus de 100 revendications d'extension du plateau continental ont été déposées auprès de la CLPC, dont celles de l'Espagne, du Portugal et de la Mauritanie, pays situés dans le voisinage direct du Maroc. De la même manière, afin de sauvegarder la sécurité juridique de ses intérêts sur la plateforme continentale, le Maroc a procédé dès 2015 à la transmission, auprès de cette instance, de son rapport portant informations préliminaires et indicatives sur l'extension projetée de son plateau continental. Le pays a reconfirmé auprès de cet organisme onusien, en juin 2017, sa demande d'extension du plateau continental, dans l'attente de la présentation ultérieure d'un rapport technique détaillé, comme le prévoit la Convention de Montego Bay."

L'organisme scientifique de l'ONU est connu pour être très prudent dans la protection de son intégrité, et ne pas entreprendre des travaux dans des zones où la souveraineté n'est pas établie. Se référant aux règles de la convention, règle 46, la commission s'est plusieurs fois tenue à l'écart de ce travail.

La procédure d'élection est décrite dans l'annexe 2 de la convention, article 3. Pour être élu à la commission, il faut un vote à la majorité des deux tiers des États membres de la convention. Presque tous les États membres de l'ONU sont membres de l'UNCLOS.

Le Maroc prétend à la fois adhérer à la CNUDM et à la Charte des Nations Unies - tout en poursuivant son occupation illégale du Sahara Occidental et en contrôlant ses eaux.

"Le Maroc, qui est une nation maritime par excellence compte tenu de sa position géostratégique et de ses 3500 (sic) km de côtes tant sur ses façades atlantique que méditerranéenne, attache une grande importance à la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer", a paradoxalement écrit le gouvernement marocain aux États membres de l'ONU. En réalité, le Maroc a une côte d'environ 2500 km.

L'événement MAP n'est pas la seule fois où Loukili a participé à des événements organisés par la même agence de propagande marocaine. En 2013, lors du lancement d'un livre de prisonniers de guerre marocains capturés par le Polisario sur le territoire occupé après l'invasion marocaine, M. Loukili est interviewé par la MAP, a déclaré que le Polisario sont des "terroristes" et souligné sa défense de ce que il appelle "la marocanité du Sahara".

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