Une confédération marocaine qui affirme que la Cour européenne de justice n'a jamais suspendu le commerce du Sahara Occidental, va intervenir devant la Cour de l'UE pour soutenir l'annulation de la suspension (à laquelle l'association n'a jamais cru qu'elle avait eu lieu). Vous êtes perplexe ? Nous aussi.
"Cet accord n’est pas suspendu et je suis convaincu qu’il ne le sera jamais".
Cette déclaration a été
faite par Ahmed Ouayach le 28 avril de cette année [ou
la télécharger]. Ahmed Ouayach est le président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER).
Cette position donne à penser que la confédération marocaine de l'agriculture, qui prétend représenter aussi l'agro-industrie au Sahara Occidental occupé, n'a pas daigné lever le petit doigt pour honorer l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 10 décembre 2015, annulant l'application du protocole commercial de l'UE avec le Maroc au Sahara Occidental.
La position de l'agro-confédération marocaine fait écho à des déclarations de la
Suède et des
Pays-Bas au cours des derniers mois, selon lesquelles il n'y a aucun moyen de savoir si les États membres de l'UE reçoivent encore aujourd'hui des importations de produits du Sahara Occidental sous couvert de l'accord avec le Maroc. En d'autres termes, les États membres de l'UE qui voudraient normalement honorer le jugement disent qu'ils ne sont pas techniquement en mesure de le faire. En fait, si l'association qui prétend représenter les exportateurs du Sahara Occidental ne fait aucune différence entre l'avant ou l'après la décision de la CJUE d'annuler l'accord commercial, il est logique que les importateurs luttent pour honorer leurs obligations.
La Suède et les Pays-Bas ont clairement indiqué que le commerce de l'UE avec le Maroc ne peut pas inclure les produits du Sahara Occidental.
Le 23 juin 2016, Western Sahara Resource Watch,
a envoyé une lettre à COMADER demandant des éclaircissements au sujet des commentaires de M. Ouayach sur la décision de la Cour en 2015.
Maintenant, la partie compliquée :
Ce même COMADER, qui a une lecture très particulière de la décision de la Cour, va bientôt intervenir devant la Cour pour argumenter contre la décision d'annulation du commerce du Sahara Occidental - qu'ils prétendent n'avoir jamais eu lieu. Le 10 juin, la
Cour de justice de l'Union européenne a annoncé qu'elle avait accepté COMADER comme partie intervenante dans le cas de recours contre la décision de la Cour.
«Nos liens avec les premiers membres fondateurs de l’Europe sont très forts. Nous partageons une partie de notre histoire, notre culture, nos idéaux, et, bien entendu, nos intérêts. Ces membres sont nos premiers clients et nos premiers fournisseurs. », a fait valoir en avril le chef de COMADER. Il a également dit que «La raison finira par prendre le relais, mais le peuple marocain considère que mettre en danger notre intégrité territoriale est une ligne rouge qui ne doit pas être franchie."
Une large part de l'agro-industrie au Sahara Occidental occupé est détenue par des hommes d'affaires français. La partie restante est dans les mains du monarque marocain ou de capitaux privés marocains d'Agadir. Fruits et légumes qui ont été cultivés sous occupation, entrent sur le marché unique de l'UE par Perpignan, en France.
Aucun Sahraoui - les habitants opprimés du Sahara Occidental - ne possèdent de plantation dans son propre pays. Au cours de l'invasion violente du Maroc en 1975, de nombreux Sahraouis ont dû fuir cette partie même du Sahara Occidental qui est aujourd'hui le lieu d'une massive agro-industrie insoutenable. Des générations de Sahraouis ont grandi dans des camps de réfugiés en Algérie, survivant grâce à une aide humanitaire toujours en diminution et qui contient tragiquement peu de produits frais.
La propriété franco-marocaine dans l'industrie des plantations au Sahara Occidental a fait l'objet du rapport WSRW de 2012 "
étiquette et responsabilité".
Il y a très peu d'informations sur COMADER. La Confédération, qui, selon le groupe de M. Ouayach compte 20 fédérations, ne dispose pas de page Web. Les seules informations disponibles sont des déclarations de M. Ouayach aux médias, président de COMADER depuis sa création présumée en 2006.
Ouayach est franc sur les connexions de COMADER à l'appareil politique marocain.
De son propre aveu, plus de 60% des hommes politiques marocains sont impliqués dans une entreprise agricole parallèlement et en tant que tel sont connectés à ou soutien de COMADER.
COMADER ne semble pas être présent à Dakhla, la ville du Sahara Occidental qui s'est développée comme point chaud agricole. On ne sait pas si la Confédération compte l'une des fermes située à Dakhla parmi ses membres.