Une note envoyée aujourd'hui par le gouvernement français aux parlementaires français à Bruxelles fait douter de l'étude du jugement par la France. Un débat télévisuel a pris fin à 16h15 aujourd'hui.
A partir de 15h00, la commission des affaires étrangères du Parlement européen a débattu de l'impact et de la mise en œuvre de la
décision de la Cour de justice européenne du 21 décembre 2016.
Le tribunal a conclu que les accords commerciaux entre l'UE et le Maroc ne peuvent inclure des produits du Sahara Occidental.
Le débat était
diffusé en direct ici.
À prêter une attention particulière aux députés français pendant le débat il semble qu'ils ont aujourd'hui reçu un conseil particulièrement mauvais de Paris.
La France est un pays clé dans ce domaine. Le gouvernement français a toujours été un soutien essentiel du Maroc, tant au Conseil de sécurité des Nations unies que dans l'UE. Depuis des décennies, la France soutient l'occupation du Sahara Occidental tant politiquement que militairement. C'est la France qui, chaque année, empêche les Nations unies de rendre compte des violations des droits de l'homme sur le territoire.
La France est d'autre part un important importateur de produits du Sahara Occidental, tant pour la pêche que pour les produits agricoles. Le
16 mars, le gouvernement espagnol a souligné qu'un navire qui s'était arrêté aux îles Canaries, après le jugement, devrait être dûment vérifié à son arrivée en France. Le navire est arrivé en France en janvier, première importation dans l'UE après le jugement.
Les principaux producteurs d'agro-produits au Sahara Occidental sont marocains et français.
Une note e
nvoyée aujourd'hui par le gouvernement français à tous les parlementaires français illustre clairement la réticence de Paris à respecter le droit de l'UE et le droit international au Sahara Occidental.
Dans cette note, le gouvernement français affirme vouloir que l'UE "en lien avec le Maroc" clarifient "que le protocole de libéralisation des produits agricoles s'applique bien au Sahara occidental".
Ce faisant, la France ne va pas seulement contre la décision du tribunal, mais aussi contre les propres éclaircissements de la Commission européenne vis-à-vis du tribunal de l'UE.
Les deux pages de la note font également de sévères contradictions et erreurs de lecture :
Le gouvernement français remplace systématiquement le "peuple" par la "population" du Sahara Occidental. Ce sont des concepts très différents au Sahara Occidental. Le jugement stipule que le Sahara Occidental est exclu de l'accord commercial. Dans la mauvaise interprétation française, il en est ainsi : "l'application de tels accords sur un territoire non autonome nécessite le consentement de la population du territoire".
Paris a même réussi à déformer l'argument principal du jugement :
Voici dans le jugement de la CJUE, le §106, paragraphe clé : "ce tiers peut être affecté par la mise en œuvre de l’accord d’association en cas d’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application dudit accord, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si une telle mise en œuvre serait de nature à lui nuire ou au contraire à lui profiter. En effet, il suffit de relever que, dans un cas comme dans l’autre, ladite mise en œuvre doit recevoir le consentement d’un tel tiers. Or, en l’occurrence, l’arrêt attaqué ne fait pas apparaître que le peuple du Sahara occidental ait manifesté un tel consentement."
Et, voilà Paris : "Le fait que l’accord s’applique depuis toujours implicitement au Sahara occidental étend aux populations locales les bénéfices du régime de préférences tarifaires".
Il est remarquable que le gouvernement français insiste sur le fait que le Sahara occidental a d'abord été inclus dans l'accord ("Le fait que l’accord s’applique depuis toujours implicitement au Sahara occidental" ou "Les institutions européennes examinent les conséquences qui doivent être tirées de la décision de la Cour de justice, afin de permettre la bonne application de l’accord agricole, conformément à la volonté initiale des deux Parties et à la pratique qui a toujours prévalu").
Ce qui est exact c'est que la Commission a déclaré devant la Cour de justice que l'UE n'avoir jamais eu l'intention d'inclure le Sahara Occidental dans l'accord UE-Maroc. Au cours de la procédure, la Commission européenne a affirmé que l'UE et le Maroc n'avaient jamais eu l'intention d'inclure le Sahara occidental dans le champ d'application des accords d'association et de libéralisation parce que cette inclusion aurait violé le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui (les références à l'avis de la Commission sont exposés aux points 82 et 79 de l'arrêt).
Si Paris a raison dans sa note, la Commission doit avoir menti à la Cour de justice au cours de la procédure à Luxembourg.
La note souligne également que la France est intervenue devant le tribunal au côté du Conseil. Il convient de rappeler que ce n'est pas nécessairement un argument probant, puisque les arguments français ont été réfutés par le tribunal.
Jusqu'à présent, la Commission est restée muette sur la façon dont les États membres doivent répondre à la décision de la cour.