Le PE divisé sur le flou d'un accord sur le Sahara Occidental
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Les membres du Parlement Européen demandent plus de clarté avant de voter sur l'accord commercial pour le Sahara Occidental proposé par la Commission. Dans le même temps, 93 groupes de la société civile du Sahara Occidental déplorent le manque de sérieux du rapporteur du Parlement.

Publié 06 novembre 2018

Hier, 5 novembre 2018, Patricia Lalonde (parti libéral français) a présenté à la commission du commerce international du Parlement européen (INTA) son rapport sur l'extension de l'accord commercial UE-Maroc au territoire du Sahara Occidental sous occupation marocaine. La députée européenne Lalonde est favorable à l'extension, affirmant qu'elle apportera des avantages aux "populations locales" et que le développement du territoire doit être poursuivi. Elle a affirmé avoir été témoin de ce développement de première main et a présenté son rapport sur la mission d'enquête INTA au Sahara Occidental début septembre. Trouvez ici ce rapport de mission et son évaluation par Western Sahara Resource Watch.

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93 groupes de la société civile du Sahara Occidental ont envoyé le 5 novembre 2018 un courrier aux Parlementaires européens leur demandant de suspendre l'évaluation de l'accord commercial proposé par le Parlement jusqu'à ce que les problèmes clés soient résolus, soit le respect de l'intégrité territoriale du Sahara Occidental et du droit du peuple à donner son consentement.
"Les conclusions favorables du projet de rapport de l'eurodéputée Lalonde à l'application de l'accord de libéralisation UE-Maroc au Sahara Occidental sont sans fondement, en l'absence d'une enquête approfondie et rigoureuse. Le rapport est biaisé en faveur de l'occupant marocain, ne respecte pas le devoir de l'UE de ne pas reconnaître la souveraineté du Maroc sur le territoire et porte atteinte au droit international et aux efforts de paix de l'ONU", affirme le courrier. Lire la lettre complète ici. 

Dans son argumentation, l'eurodéputée Lalonde ne fait pas référence à la volonté du peuple du territoire - pierre angulaire de l'arrêt de décembre 2016 de la Cour de justice de l'Union Européenne.

La conclusion de l'arrêt stipule qu'aucun accord commercial ou d'association UE-Maroc ne peut être appliqué au Sahara Occidental sans le consentement exprès du peuple de ce territoire. Cette conclusion a amené l'UE à entamer des négociations avec le Maroc en vue de la modification de deux protocoles à l'accord d'association UE-Maroc, qui s'appliqueraient alors explicitement au Sahara Occidental. Le Parlement européen est en train d'évaluer s'il soutiendra ou non cet amendement, qui aboutirait si adopté à un accord commercial pour le Sahara Occidental via le Maroc - le pays qui maintient les deux tiers du Sahara Occidental sous occupation militaire depuis 1975.

Il est à noter que les préférences commerciales accordées au Maroc ne seraient alors étendues qu'à la partie du Sahara Occidental sous occupation marocaine - et non à la partie contrôlée par le Polisario à l'est du mur. Mur fortifié militairement de 2700 km que le Maroc a construit pendant les années de guerre, qui à ce jour divise effectivement le territoire et sépare les familles sahraouies. La députée Lalonde n'a pas expliqué pourquoi les supposés bénéfices ne seraient destinés qu'à une partie du Sahara Occidental, plus qu'à une autre, ni en quoi ce redécoupage des frontières internationales entre dans l'obligation de l'UE de respecter toute intégrité territoriale. Lisez ici les questions de WSRW au commissaire européen Moscovici à ce sujet. Le Sahara Occidental est reconnu par l'ONU comme un territoire non autonome en cours de décolonisation. Le territoire a des frontières internationales claires.

Plusieurs rapporteurs fictifs (Salvatore Cicu (IT) pour le PPE, Elena Valenciano (ES) pour S & D, Sander Loones (BE) pour ECR et Tiziana Beghin (IT) pour EFDD ont estimé que le rapport de l'eurodéputée Lalonde était équilibré, les autres (Heidi Hautala (FI) pour les Verts / NGL et Anne-Marie Mineur (NL) pour le GUE / NGL et littéralement tous les autres députés qui ont pris la parole - y compris les groupes politiques susmentionnés, ont critiqué la proposition. Deux critiques principales ont été formulées : le peuple du Sahara Occidental n’a pas consenti au commerce proposé pour son territoire et la proposition ne prévoit aucun mécanisme permettant de clarifier la véritable origine des produits exportés depuis le territoire.

"La Cour de justice de l'UE a appelé à l’assentiment du peuple du Sahara Occidental. Qu'a donc dit le Polisario ?", a demandé Joachim Schuster, S&D allemand. "L'eurodéputée Lalonde a déclaré être en contact avec l'envoyé des Nations unies pour le Sahara Occidental. Que dit-il ? Cette proposition va-t-elle attiser le conflit ou aider à le résoudre ? Ce sont des questions importantes auxquelles il faut répondre."

"Je pense que très peu d'entre nous diraient qu'il est normal de conclure un accord commercial avec la Russie pour la Crimée", a déclaré Heidi Hautala, l'une des trois eurodéputées ayant participé à la mission d'enquête. "Il semble que la Commission et certains groupes politiques veuillent le beurre et l'argent du beurre - ce n'est pas sérieux."

Aleksander Gabelic (Suède, S&D) a souligné que "le représentant reconnu par les Nations Unies [Polisario, Ed.] et la société civile du Sahara Occidental sont opposés à la proposition".

"Notre propre service juridique a déclaré que la consultation faite par la Commission est fantasmagorique", a déclaré Marie Arena (Belgique, S&D), se référant à l'avis juridique rendu par les services juridiques du Parlement européen selon lequel il n'était pas clair que l'exigence de la CJUE de l'accord du peuple du Sahara occidental ait été respecté, "tout en tenant compte que la conclusion finale d'un soutien positif est déclarée malgré l'avis négatif exprimé par le Front Polisario".

Tous les députés ont convenu qu'un mécanisme de traçabilité doit être mis en place, de préférence avant janvier 2019, date à laquelle le Parlement devrait se prononcer sur la proposition.

La Commission, représentée par Mme Sabine Henzler, s'est principalement intéressée à la nécessité d'un mécanisme de traçabilité et a assuré les députés que la Commission était en pourparlers avec le Maroc à ce sujet. Sur la question du consentement, Mme Henzler a déclaré que ce n'est pas parce que le Front Polisario est considéré par l'ONU comme le représentant politique du peuple du Sahara Occidental, que le Polisario peut être considéré comme étant représentatif pour les questions commerciales. Elle a poursuivi en affirmant que la Commission avait fait "tout ce qui est possible et réalisable" pour obtenir le consentement du peuple, par le biais d'un exercice de consultation.

M. Vincent Piket, représentant le service européen pour l'action extérieure, a ajouté que M. Horst Köhler - l'envoyé des Nations unies pour le Sahara Occidental - n'a pas de position en ce qui concerne l'accord commercial proposé. L'UE devrait respecter le droit international et ne pas agir d'une manière qui compromet le processus onusien pour le Sahara Occidental. "Notre proposition remplit ces conditions", a conclu M. Piket.

La commission du commerce international votera sur le rapport du député européen Lalonde le 3 décembre 2018.

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