Le gouvernement marocain utilise maintenant tous les arguments possibles pour amener les eurodéputés dans leur direction. En jeu : l'extension d'un nouvel accord commercial UE-Maroc au territoire sous occupation.
Les choses chauffent au Parlement européen ces jours-ci.
Les propositions des députés européens visant à modifier une nouvelle proposition d'accord commercial sont qualifiées d'"hostiles" par le gouvernement marocain, qui estime que cela influerait sur les relations entre l'Union européenne et le Maroc dans la "lutte contre le terrorisme, les flux migratoires et questions de sécurité ".
Le langage rhétorique apparaît dans des lettres envoyées par les ambassadeurs marocains aux parlementaires européens. Voir ici une lettre datée du 29 octobre 2018 adressée par
l'ambassadeur Lotfi Bouchaara à l'eurodéputé autrichien Thomas Waitz.
Les lettres accusent les membres des commissions de Agriculture, Affaires étrangères et Pêches du Parlement d’avoir "élaboré des projets d’avis et voulu incorporer des amendements hostiles de nature politique et technique". Les représentants du Maroc ont énuméré 36 amendements qu'ils jugeaient "manifestement injustifiés et ni utiles, ni constructifs" ou en dehors du domaine de compétence des commissions.
La réponse marocaine a exaspéré le député vert/EFA autrichien Thomas Waitz. Il a invité aujourd'hui le président du Parlement européen, Antonio Tajani (S&D), à prendre "toutes les mesures appropriées" concernant ce qu'il considère comme "un incident grave de pression indue d'une mission diplomatique". "Je considère que cette lettre constitue une atteinte grave à l'indépendance de mon mandat énoncé à l'article 2 du règlement du Parlement Européen. Je considère également qu'un tel comportement exceptionnel constitue une violation du code de conduite de l'UE, notamment de l'obligation "n’obtiennent pas ou n’essaient pas d’obtenir des décisions d’une manière malhonnête ou en recourant à une pression abusive ou à un comportement inapproprié", a
écrit Waitz.
Le Parlement européen évalue actuellement la proposition d'extension de l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé. Dans différentes commissions parlementaires, des députés de tous les groupes politiques ont soulevé des questions, notamment sur la légalité de la prolongation proposée - qui découle elle-même d'un arrêt rendu en
2016 par la Cour de justice de l'Union Européenne, selon lequel aucun accord UE-Maroc ne peut être étendu au Sahara Occidental, sans le consentement explicite du peuple du territoire.
Sachant très bien que des thèmes tels que la lutte contre le terrorisme et la migration dominent l'agenda politique de l'Union, le Maroc ne cache pas qu'il a un rôle "stratégique" à jouer dans ces dossiers. "Le partenariat entre le Maroc et l'Union européenne est riche et multidimensionnel. Décidément, il n'est pas seulement économique, mais stratégique dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, les flux migratoires et les questions de sécurité."
WSRW a publié il y a deux semaines que les diplomates marocains faisaient également circuler un document indiquant que l'UE devait adopter un tel accord afin de montrer la reconnaissance des revendications marocaines sur le territoire qu'elle occupe.
Le Parlement européen devrait voter sur la proposition d'inclure le Sahara Occidental dans l'accord commercial UE-Maroc en plénière en janvier 2019. Les travaux préparatoires des commissions - que le Maroc cherche à influencer en exerçant des pressions individuelles injustifiées sur des députés européens - seront terminés en décembre de cette année.