Révélation : agenda marocain pour la rapporteur du PE sur le Sahara
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C'est un conflit d'intérêts majeur que la rapporteur du Parlement Européen sur le dossier du commerce avec le Sahara Occidental, - cela vient d'être révélé -, soit membre du conseil d'administration d'un groupe de pression pro-marocain.

Publié 25 novembre 2018

Mise à jour 26.11.2018 : l'eurodéputée P. Lalonde a répondu à EU Observer qu'elle est aussi membre de l'intergroupe Sahara Occidental du Parlement Européen. La liste des membres de cet intergroupe est disponible que le site Web du Parlement [ou à télécharger ici.]. L'eurodéputée P. Lalonde n'est pas dans cette liste.

EUobserver a publié le 23 novembre un article d'investigation sur la Fondation EuroMedA - une fondation de façade pour le Maroc, basée dans les locaux des bureaux bruxellois du cabinet de lobby Hill + Knowlton Strategies - dont le principal client est l'État marocain.

Patricia Lalonde, rapporteur du Parlement européen sur la proposition controversée d'étendre l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé, est l'un des membres du conseil d'administration d'EuroMedA. Certains des collègues de P. Lalonde au conseil d'administration sont d'anciens ministres d'État marocains et des hauts fonctionnaires actuels du ministère de l'Agriculture du Maroc.

La fondation n'est pas répertoriée dans le registre des lobbyistes de l'UE. Ses statuts sont cependant dans le domaine public : retrouvez-les dans le registre belge (ou téléchargez-les au format pdf). Parmi ses activités, la Fondation cite : "la création d'une structure durable dédiée au renforcement des liens entre l'Europe et le Maroc, ayant vocation à être élargie" et "la mise en perspective de la spécificité de la région du Sahara, son aspect stratégique au niveau géopolitique et l'importance de développement économique, social et environnemental durable". Cela est confirmé par les médias marocains aujourd'hui, Le Desk décrit la Fondation comme "vouée à la promotion du Maroc pour laquelle elle emploie à répétition la manière douce au sein du Parlement européen".

"Le rôle de l'eurodéputée Lalonde en tant que membre du conseil d'administration de cette fondation soulève de sérieuses questions quant à la légitimité de ses fonctions de rapporteur parlementaire sur l'accord commercial proposé pour le Sahara Occidental occupé. Ses affirmations ne peuvent être perçu que biaisées. Cela polluera les débats de la commission du commerce international et de la session plénière du Parlement", a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch (WSRW).

Le 18 octobre, WSRW estimait que le rapport de Lalonde au Parlement était partial, au profit du Maroc. WSRW a également publié que la délégation que Lalonde avait dirigée au territoire occupé avait été l'objet de forte controverse, parce qu'elle avait passé presque tout son temps à l'écoute des intérêts marocains et que Lalonde avait devant les média marocains déjà exprimé son soutien au nouvel accord commercial dès le premier jour du voyage de la délégation, sans même avoir rencontré les Sahraouis.

L'article d'EUobserver décrit comment des sujets sensibles dans les relations de l'UE avec le Maroc comme la migration et le terrorisme "semble rendre insignifiante la difficile situation des Sahraouis au Sahara Occidental. Le contrepoids a été présenté en début d'année par Lalonde, qui siège à la puissante commission commerce international du Parlement". P. Lalonde a déclaré : "Nous avons des intérêts communs forts, en particulier en ce qui concerne les questions d'immigration et de sécurité telles que la radicalisation et le terrorisme", lorsqu'on lui a demandé de décrire l'importance des relations Maroc-UE. "Nous devons prouver sur le terrain que le peuple du Sahara Occidental bénéficie de l'accord commercial", a-t-elle ajouté.

L'article souligne que "parce qu'elle est l'eurodéputée principale du pacte commercial, ses vues façonneront la position générale du Parlement européen. L'accord vise à réduire les droits de douane sur des produits tels que les tomates et les huiles de poisson provenant du territoire litigieux. Que Lalonde soit est un membre du conseil d’EuroMedA fait néanmoins douter de sa neutralité en tant que rapporteur sur un dossier aussi gros."

Le vice-président d'EuroMedA est Salaheddine Mezouar, ancien ministre des Affaires étrangères du Maroc. Parmi les autres membres du conseil figurent Mohamed Cheikh Biadillah et Abdallah Saaf, anciens ministres du Maroc, et M'barka Bouaida, ancien ministre-délégué des Affaires étrangères du Maroc, qui représente le Maroc à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne.

Alain Berger, directeur général de Hill + Knowlton Strategies, est l'un des membres fondateurs de la Fondation et son secrétaire général. WSRW a appris que le député européen Florent Marsellesi avait déposé une plainte contre Hill + Knowlton pour faire évaluer si le comportement de la société de lobbying est conforme au code de conduite.

L'eurodéputé français Gilles Pargneaux (S & D), ancien président du groupe d'amitié des eurodéputés avec le Maroc, est un autre membre fondateur d'EuroMedA. Il est connu pour tenir la position pro-gouvernement marocain sur le Sahara Occidental. Interrogé par l'EUobserver, Pargneaux admet que le Sahara Occidental n’appartient pas au Maroc, le qualifiant de "no man's land, qui n’appartient à personne." dans le même temps, il félicite le Maroc d’avoir dépensé de l’argent et fait des investissements pour développer la région." L'agence de presse marocaine Le Desk questionne la "Volte-face, double langage" de Pargneaux, "lobbyiste attitré de Rabat auprès de l'UE sur la question du Sahara Occidental" pour avoir déclaré "qu'il ne reconnaît pas la souveraineté du royaume sur le Sahara Occidental". Le Desk émet également des doutes sur les affirmations de Pargneaux, "lobbyiste convaincu pour la cause du royaume", que EuroMedA était son idée, et affirme que la présence de tant de responsables marocains au sein du conseil Fondation laisse peu de doute sur l'identité des dirigeants réels de la fondation.

Pargneaux et Lalonde ne sont pas les seuls députés européens à jouer un rôle actif dans la Fondation EuroMedA. Les deux autres députés européens sont membre du conseil, Frédérique Ries, de Belgique (ALDE), et la roumaine Ramona Manescu (PPE), qui, selon Le Desk "plaident régulièrement pour la poursuite des accords UE-maroc".

Aucun des quatre députés européens n'a renseigné sa déclaration d'intérêt financiers de sa participation à ce conseil d'administration, contrairement à ce qui est requis à l'article 4 du code de conduite des députés du Parlement européen en ce qui concerne les intérêts financiers et les conflits d'intérêts. Le code exige que les députés "rendent public, avant de s'exprimer ou de voter en séance plénière ou au sein des organes du Parlement, ou lorsqu'ils sont proposés comme rapporteurs, tout conflit d'intérêts réel ou potentiel compte tenu de la question examinée", que la participation ou l'activité en question "que celles-ci soient rémunérées ou non".

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