Un rapport INTA mensonger comme base de vote du Parlement
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Alors que le Parlement européen s'apprête à voter sur l'extension de l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé, WSRW appelle la nouvelle rapporteure, Marietje Schaake, à préserver sa réputation ainsi que celle du Parlement en suspendant la procédure et en repartant à zéro.

Publié 09 janvier 2019

Dans deux semaines, le Parlement européen votera sur la proposition de modification des protocoles n°1 et 4 de l'accord d'association UE-Maroc, qui étendra les préférences commerciales à la partie du Sahara Occidental sous le contrôle militaire du Maroc.

Le rapport de la commission commerce international du Parlement (INTA), qui sert de base au vote, contient des affirmations tout à fait mensongères. Le rapport annoté par Western Sahara Resource Watch est disponible ici, en anglais.

Ce rapport, qui appelle le Parlement à soutenir la proposition d'extension du commerce, a été rédigé par la française Patricia Lalonde, du parti libéral, nommée rapporteur du Parlement sur le dossier jusqu'à sa démission au début de décembre 2018, à la suite de révélations concernant son appartenance au conseil d'administration d'un groupe de lobby pro-marocain. La néerlandaise Marietje Schaake, qui la remplace, membre du parti libéral, n'a jusqu'à présent fait aucun commentaire public sur la proposition ou sur le rapport rédigé par son prédécesseur, Mme Lalonde.

"Il est incroyable qu'un rapport rédigé par un eurodéputé avec un agenda pro-marocain soit toujours utilisé pour la procédure de vote du Parlement. Il y a tout lieu de douter de la véracité des affirmations contenues dans le rapport, dont de nombreux éléments sont mensongers et incorrects dans les faits. C'est pourquoi nous appelons la nouvelle rapporteure, Marietje Schaake, à suspendre la procédure afin qu'elle puisse évaluer elle-même la proposition et en tirer ses propres conclusions, pour une approbation, ou non, par le Parlement", a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.

Le rapport affirme, entre autres, que le Parlement est allé "évaluer la situation de première main et de mieux comprendre les différents points de vue de la population".

En réalité, trois délégués de la commission Commerce (et non du Parlement dans son ensemble), appartenant à des groupes politiques ne représentant que 20% de la composition du Parlement, se sont rendus au Sahara Occidental mais n'ont pas été autorisés à évaluer correctement la situation sur le terrain. Le groupe s’est rendu uniquement dans la partie occupée du Sahara Occidental et n’a pas visité le tiers du territoire sous contrôle du Polisario, ni les camps de réfugiés où vivent près de la moitié des Sahraouis. Près de 80% du programme de visites INTA a été consacré à la rencontre d’interlocuteurs marocains ou avec des acteurs ayant un intérêt direct (économique ou politique) à faire approuver le protocole proposé. Les conclusions de la "mission d'enquête INTA" étaient de la responsabilité exclusive de l'ancien rapporteur, Mme Lalonde. La députée européenne Hautala a pris ses distances par rapport à ces conclusions.

L'eurodéputée Lalonde a depuis démissionné de son poste de rapporteure après de graves allégations de conflit d'intérêts. Cela justifierait la suppression de toute référence à la mission d'enquête de l'INTA dans le présent rapport.

Le rapport ment également quand il affirme que le manque d'informations sur l'origine des produits exportés par le Maroc empêche les autorités douanières de l'UE de se conformer à la décision de la CJUE. La Commission a l'obligation de veiller au respect des dispositions et de prendre des mesures immédiates et efficaces en cas de doute. Par ailleurs, le Maroc a l'obligation légale de veiller à ce que les marchandises portant un certificat d'origine marocain soient effectivement originaires du Maroc, au sens international du terme (c'est-à-dire à l'exclusion du Sahara Occidental).

L'inclusion explicite du Sahara Occidental dans l'accord commercial UE-Maroc fait paradoxalement suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne de décembre 2016 concluant qu'aucun accord de commerce ou d'association UE-Maroc ne peut être appliqué au Sahara Occidental, puisque le Maroc n’a aucune souveraineté ni aucun mandat international pour administrer le territoire. La Cour a statué que le seul moyen licite pour qu'un tel accord affecte le Sahara Occidental est l'obtention de l'assentiment du peuple du territoire. La Cour a précisé que les potentiels bénéfices de l'accord sur le territoire n'ont pas d'importance - ce qui compte, c'est que le peuple aient consenti ou non.

En réponse à cette décision, la Commission européenne a négocié et initié un amendement à l'accord avec le Maroc - et non avec le peuple du Sahara Occidental, qui n'a aucunement participé au processus. Au lieu de demander son consentement au peule du Sahara Occidental, la Commission européenne a engagé un processus de consultation de 18 opérateurs économiques marocains et des représentants du gouvernement marocain, tout en prétendant malhonnêtement que 94 groupes sahraouis, des ONG internationales (comme la nôtre) et le Polisario y avaient pris part. En dépit de la fragilité de la base juridique de la proposition - mais plus préoccupée d’apaiser son partenaire marocain anti-migration et anti-terrorisme - les États membres de l’UE ont approuvé la proposition.

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