Une entreprise grecque fait pression pour l'occupation marocaine
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Une entreprise grecque a fait pression sur le Parlement Européen pour qu’il ignore le droit international au Sahara Occidental, selon un courrier rendu public.

30 décembre 2022

La compagnie grecque Archirodon a récemment fait pression sur les membres du Parlement Européen pour qu'ils votent contre des amendements qui « remettent en cause l'intégrité territoriale du Maroc ».

L'ONU et la Cour de justice de l'UE ne considèrent pas le Sahara Occidental comme faisant partie du Maroc. La compagnie grecque semble croire le contraire, comme le montre un courrier rendu public. Le Maroc occupe illégalement et brutalement le Sahara Occidental depuis 1975, et le territoire est considéré par l'ONU comme la dernière colonie restante sur le continent africain.

Téléchargez ici le courrier que l'entreprise a envoyé aux eurodéputés espagnols le 6 septembre 2022.

Au moment de la publication de ce texte, plusieurs eurodéputés ont été détenus, accusés d'avoir reçu des pots-de-vin du Maroc pour influencer les processus décisionnels européens. L'un d'eux est l'eurodéputée grecque Eva Kaili. Des journalistes ont souligné que la motivation du Maroc serait de trouver des alliés pour défendre son occupation du Sahara Occidental.

Archirodon Group NV est une société grecque dont le siège est aux Pays-Bas. Elle est en contrat par l'intermédiaire de Phosboucraa - une filiale à 100% de la compagnie nationale marocaine de phosphate l’OCP - pour construire un nouveau port d'exportation de phosphate à El Aaiún, la capitale du Sahara Occidental occupé.

Le contrat s'élèverait à 450 millions de dollars. Sur son site Internet et dans le courrier envoyé aux eurodéputés, Archirodon situe constamment le nouveau port comme au « Maroc ».

Le vote contesté par Archirodon concernait une résolution sur le « partenariat renouvelé avec le voisinage méridional : un nouvel agenda pour la Méditerranée ». Début 2021, la Commission Européenne en avait adopté l'agenda, décrivant les possibilités de coopération entre l'UE et 10 pays riverains de la mer Méditerranée, dont le Maroc. Grâce à la résolution, le Parlement Européen pourrait partager ses recommandations en la matière avec la Commission Européenne.

Alors que le texte de la résolution était préparé par le rapporteur Antonio López Istúriz White (Espagne, PPE) au sein de la commission des affaires étrangères du Parlement (AFET), d'autres députés de cette commission ont proposé des amendements.

Deux amendements au texte, proposés par les eurodéputées Idoia Villanueva Ruiz (Espagne, La Gauche) et Marisa Matias (Portugal, La Gauche) ont été « portés à mon attention […] par l'Ambassadeur du Royaume du Maroc à Athènes, M. Mohammed Sbihi », a écrit Dennis Karapiperis, le PDG d'Archirodon.

Les deux amendements dont il est question traitent de deux questions différentes. L'un est un commentaire sur la politique migratoire de l'UE, dans lequel les auteurs appellent à « mettre un terme aux accords honteux et désastreux visant la rétention de personnes que l’Union a signés avec la Turquie et le Maroc, et qui violent les droits de l’homme et font de l’Union l’otage des politiques erratiques et antidémocratiques de ces pays »

L'autre est un appel à l'UE pour qu'elle soutienne et respecte les résolutions de l'ONU et les décisions de justice de l'UE sur le Sahara Occidental.

Lisez le texte intégral des modifications proposées ci-dessous.

Karapiperis appelle les parlementaires à voter contre les amendements, tout en soulignant à deux reprises qu'il n'a « aucune intention d'entrer dans des considérations politiques ». Il déclare que les amendements, s'ils sont approuvés, « arrêteraient violemment les progrès susmentionnés avec un impact négatif encore plus grand sur les relations du Royaume avec les précieux partenaires opérant dans le Royaume ». La lettre fait référence à l'activité d'Archirodon au Maroc comme « construisant actuellement le port de Laayoune au Sahara occidental marocain ».

« Ce n'est pas souvent que nous voyons une entreprise privée défendre aussi ouvertement la position marocaine sur le Sahara Occidental occupé, dans la mesure où elle est prête à faire pression sur les parlementaires européens pour défendre une occupation illégale et brutale », déclare Sotiris Maragkos de Western Sahara Resource Watch .

« Cela répond cependant aux questions que nous avons posées à plusieurs reprises à l'entreprise, et auxquelles elle n'a jamais pris la peine de répondre : comment Archirodon évalue-t-il l'absence de souveraineté et de juridiction du Maroc au Sahara Occidental, et quelles démarches a-t-il entreprises pour obtenir le consentement du peuple du Sahara Occidental pour ses activités là-bas. La nécessité du consentement du peuple du Sahara Occidental a été soulignée comme une condition préalable légale par la plus haute Cour de l'UE. La lettre d'Archirodon indique clairement qu'il préférerait que les législateurs de l'UE ignorent la jurisprudence de l'UE sur le Sahara Occidental, car cela aurait autrement un impact négatif sur les activités de l'entreprise sur les terres occupées », a déclaré Sotiris Maragkos.

WSRW a essayé de contacter l'entreprise, qui n’a pas répondu aux courriers de 2019 et 2022.

À noter, les amendements auxquels Archirodon s'est opposé avaient été déposés en mai 2022, et ni la résolution ni les amendements n'étaient à l'ordre du jour de l'AFET du 12 septembre, contrairement à ce que prétendait le courrier d'Archirodon. La résolution avait déjà été adoptée par l'AFET le 13 juillet 2022, et les amendements avaient été rejetés dans le cadre du processus de vote.

La résolution a cependant été soumise à un vote en plénière le 14 septembre 2022. Les amendements jugés préoccupants par Archirodon avaient été redéposés par la députée européenne Villanueva Ruiz en tant qu'amendements 16 et 20. Les deux ont été rejetés par la plénière.

Amendement 179, Idoia Villanueva Ruiz, Marisa Matias, Proposition de résolution

Paragraphe 1 – point g bis (nouveau)

(g bis) de veiller à ce que la politique migratoire s’attaque aux facteurs qui poussent des personnes à migrer et à chercher refuge en dehors de leur propre pays, tels que l’augmentation du nombre de conflits, la pénurie de ressources, la régression des droits et de la liberté et la violence, qui sont les causes profondes du déplacement de nombreuses personnes;

de mettre fin à la politique de rétention des personnes, qui va à l’encontre des valeurs de l’Union et sert uniquement les intérêts de l’industrie militaire et des mafias qui tirent profit de la vie de civils;

de mettre un terme à Frontex et d’établir des routes migratoires légales et sûres afin que la Méditerranée cesse d’être une fosse commune; de mettre un terme aux accords honteux et désastreux visant la rétention de personnes que l’Union a signés avec la Turquie et le Maroc, et qui violent les droits de l’homme et font de l’Union l’otage des politiques erratiques et antidémocratiques de ces pays; de faire du nouvel accord sur la migration et l’asile un véritable outil qui garantisse le droit à la migration et protège les droits de l’homme des personnes contraintes de se déplacer; d’activer la directive relative à la protection temporaire pour tous les conflits, comme cela a été fait pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine;



 

Amendement 192, Idoia Villanueva Ruiz, Marisa Matias, Proposition de résolution

Paragraphe 1 – point h bis (nouveau)

Proposition de résolution Amendement

(h bis) de soutenir les résolutions des Nations unies concernant le Sahara occidental, de l’autodétermination aux résolutions des Nations unies les plus récentes, afin de parvenir à une solution juste et pacifique fondée sur des référendums et conformément aux processus de dialogue encouragés par l’envoyé spécial; de respecter, en ce qui concerne les relations commerciales, la légalité et les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant le pillage des ressources naturelles du Sahara par le Maroc;

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