... précisément sur le territoire que la plus haute Cour de l'Union européenne considère « séparé et distinct » du Maroc.
Une nouvelle zone agricole de 5000 hectares - c'est ce que le ministre marocain de l'Agriculture Aziz Akhannouch a annoncé à Dakhla, fin septembre 2017. Akhannouch en a fait la déclaration lors de la deuxième édition du forum agricole international, organisé par la Chambre de Commerce Dakhla pour attirer les investisseurs.
Selon le journal marocain L'Economiste, les terres destinées au projet ont déjà été identifiées. Deux types d'opérateurs peuvent postuler pour une parcelle, les producteurs industriels, notamment ceux qui se concentrent sur la production sous serre destinée à l'exportation, et les petits agriculteurs locaux.
À l'heure actuelle, un peu moins de 1000 ha de terrain sont utilisés par l'agro-industrie à grande échelle près de la péninsule de Dakhla, conformément à l'objectif du Plan vert marocain, d'atteindre 1000 ha d'ici 2020.
Les tomates et les melons sont les principales cultures dans la région, et les tomates cerises - entre 80 et 120 tonnes par hectare - prennent la part du lion de la production destinée à l'exportation. Aujourd'hui, quatre grands agro-exploitants cultivent les plantations de Dakhla : Rosaflor, Soprofel, Azura et Les Domaines - ce dernier appartient à la monarchie marocaine.
Dakhla est situé dans le sud du territoire qui est traité par l'ONU comme la dernière question coloniale non résolue en Afrique et sous occupation partielle illégale du Maroc, un des principaux partenaires commerciaux de l'UE.
Peut-être sans surprise, la majeure partie de la production de Dakhla de ces dernières années est allée en Europe, comme WSRW l'a montré dans son rapport de 2012 "Étiquette et responsabilité". Le rapport a été pris en considération par la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) qui, en décembre 2016, a statué qu'aucun accord de commerce ou d'association avec le Maroc ne pouvait être appliqué au Sahara Occidental sans le consentement explicite du peuple du territoire : les Sahraouis. L'une des implications directes pour cette décision est la fin de l'accès préférentiel au marché de l'UE pour les produits provenant du Sahara Occidental occupé (bien que la mise en œuvre exacte de cette obligation juridiquement contraignante reste obscure).
Le jugement a mis en colère le gouvernement marocain. Le 6 février 2017, le ministre marocain de l'Agriculture a publié une déclaration indiquant que tout obstacle à l'exportation de l'agriculture et des produits de la pêche de son pays vers l'Europe pourrait renouveler les « flux de migration » que Rabat a « gérés et maintenus » avec des « efforts soutenus ».
Pourtant, en dépit de l'arrêt de la CJUE, qui coûte potentiellement au Maroc son principal marché d'exportation pour les cultures de Dakhla, le gouvernement marocain est impatient d'augmenter le développement agricole dans le territoire occupé. Un supplément de 5000 ha ajouté aux 1000 ha cités serait égal à une augmentation de 500%.
La Commission européenne, en flagrant mépris du jugement de la Cour de l'UE, est actuellement engagée dans des pourparlers avec Rabat pour garantir ses importations en provenance du Sahara Occidental dans le cadre de l'accord commercial UE-Maroc.
La phase de croissance précédente de l'infrastructure agricole de Dakhla date de l'époque où le Maroc et l'UE négociaient un accord commercial multilatéral litigieux, ce qui suggère que le gouvernement marocain et les entreprises marocaines / françaises s'attendaient à ce que l'accord commercial soit adopté avec l'inclusion du Sahara Occidental.
Pour équiper cette gigantesque zone agricole, le ministère marocain de l'Agriculture a lancé deux appels internationaux :
1. Cofinancement, conception, construction, exploitation et entretien des infrastructures d'irrigation pour une période de 22 ans
2. Cofinancement, conception, construction, exploitation et maintenance d'un parc dit «vert», constitué d'une station de dessalement, d'un parc éolien et d'une station d'eau pour une période de 22 ans.
L'appel d'offres se termine le 1er février 2018.
"Les entreprises qui font une demande devront être conscientes que faire des affaires dans et avec le Sahara Occidental comporte de sérieux risques juridiques, moraux et financiers. Les négociations commerciales douteuses en cours entre la Commission de l'UE et le Maroc sur le Sahara Occidental ajouteront un éclairage supplémentaire sur ce comportement d'entreprise douteux", explique Davide Contini de WSRW.
L'activité agricole près de Dakhla apparaît souvent comme un véritable mirage : pour cultiver dans ce pays désertique, l'industrie utilise les réserves d'eau souterraines fossiles. Que le gouvernement marocain cherche maintenant à se diriger vers l'eau de mer dessalée, indique que les réserves d'eau ont épuisé leur capacité.
L'étiquetage de ces produits comme étant originaires du Royaume du Maroc au lieu d'être originaires du Sahara Occidental constitue une violation du droit de l'UE, conclut l'avocate générale de la Cour de justice de l'UE.
L'évaluation controversée réalisée par Global Diligence au Sahara Occidental occupé pour un projet qui emploiera des milliers de colons marocains doit être publiée par la société française Engie, exige WSRW dans une lettre.
À travers ses études d'impact, ses relations avec le gouvernement marocain et ses partenaires, ou encore par l'annonce récente de l'arrivée d'éoliennes au Sahara Occidental occupé, Engie a fait preuve d'un mépris total pour l'approche onusienne du conflit.
Cette semaine, les premiers composants qui seront utilisés pour le très problématique programme éolien d'Engie au Sahara Occidental sont arrivés au large du territoire occupé.