L'UE et le Maroc semblent tous deux souhaiter conclure les négociations pour maintenir le Sahara Occidental occupé dans le cadre territorial de leur accord commercial bilatéral - en dépit d'un jugement rendu par la plus haute Cour de l'UE.
Le 23 octobre 2017, la chef des affaires étrangères de l'Union européenne, Federica Mogherini, a rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Bruxelles. Selon le
communiqué de presse officiel du Service européen pour l'action extérieure, la réunion a permis aux deux parties de "constater les progrès accomplis dans la négociation en cours en vue de l'amendement des protocoles de l'Accord agricole entre l'UE et le Royaume du Maroc. La Haute Représentante [Mogherini] et le Ministre [Bourita] ont exprimé leur détermination commune à la mener à bien dans les meilleurs délais."
À la base de ces négociations se trouve un arrêt de décembre 2016 de la Cour de Justice de l'UE (CJUE), concluant que le Sahara Occidental est un territoire "séparé et distinct" du Maroc, et que, en tant que tel, l'accord d'association avec le Maroc peut être appliqué au territoire uniquement avec le consentement explicite de la population du territoire : les Sahraouis. L'une des implications directes de cette décision est la fin de l'accès préférentiel au marché de l'UE pour les marchandises en provenance du Sahara Occidental occupé (
bien que la mise en œuvre exacte de cette obligation juridiquement contraignante reste floue).
Cependant, d'après ce que Western Sahara Resource Watch peut établir, aucun effort n'a été fait par le Maroc ou l'UE pour obtenir le consentement du peuple du territoire dans les négociations commerciales, une exigence très claire de la CJUE.
Ne voulant pas arrêter l'afflux de marchandises du Sahara Occidental et
confronté à un Rabat furieux qui menaçait de mettre fin à toute coopération pour stopper la migration de l'Afrique subsaharienne vers l'Union, l'UE a demandé au Maroc de négocier un moyen de contourner l'arrêt de la Cour.
Bien que la Commission de l'UE, chargée des pourparlers, ne soit pas sûre de l'accord du peuple du Sahara Occidental, le gouvernement marocain semble avoir trouvé un moyen de transformer cet obstacle en "opportunité",
selon les médias marocains d'"accorder au Maroc l'opportunité de placer les élus locaux, les députés et les conseillers de la province en tant que représentants des habitants".
Western Sahara Resource Watch prévient qu'il s'agit d'une approche hautement problématique et illégale.
"La Cour a clairement édicté que pour tout accord visant à affecter juridiquement le territoire du Sahara Occidental, il faut le consentement du peuple du territoire, et non de la population du territoire - ce sont deux notions différentes", explique Davide Contini de Western Sahara Resource Watch.
Il souligne qu'il n'est aucune mention de la population du Sahara Occidental dans le jugement de la cour.
"Le fait que le Maroc cherche à obscurcir ces deux concepts est inacceptable, mais pas du tout surprenant. Nous espérons que l'UE soutiendra les principes fondamentaux du droit international et choisira de respecter la décision de la CJUE. Négocier avec le Maroc ou avec les institutions marocaines sur le territoire du Sahara Occidental est illégal et constitue un obstacle au processus de paix de l'ONU. Cela crée ainsi un précédent dangereux pour l'UE qui pourra négocier des accords commerciaux similaires avec les institutions russes en Crimée ou les organes israéliens dans les colonies illégales, avec référence aux populations russes ou israéliennes", a déclaré M. Contini.