Une militante des droits humains dénonce l'énergie verte
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La défenseuse sahraouie des droits humains, placée en résidence surveillée depuis 16 mois, appelle Siemens et Enel à assumer leurs responsabilités et à quitter le Sahara occidental occupé.

11 mars 2022

Photo : Sultana Khaya a été attaquée à plusieurs reprises par la police marocaine. Cette photo date de 2021, lorsque la police a frappé son œil gauche avec une pierre. Son œil droit est perdu depuis 2007.

La défenseuse sahraouie des droits humains Sultana Khaya réagit vivement aux implications des entreprises internationales pour le gouvernement marocain dans sa patrie occupée, le Sahara Occidental. Dans une interview accordée à un média sahraoui, réalisée par téléphone depuis son domicile où elle est assignée à résidence par le gouvernement marocain, elle s'exprime spécifiquement contre la société italienne Enel et l'espagnol-allemand Siemens.

Sultana Khaya est la présidente de la Ligue pour la défense des droits de l'homme et contre le pillage des ressources naturelles, à Boujdour. Sultana est devenue un symbole important de la lutte du peuple sahraoui pour l'autodétermination :

  • Depuis le 19 novembre 2020, Sultana Khaya et sa sœur sont assignées à résidence. Leur maison a été coupée de l'électricité et de l'eau courante. Les parents et les voisins ont souvent été incapables de livrer des provisions vitales. Toute tentative de Sultana Khaya de quitter sa maison s'est soldée par des menaces et des agressions physiques de la part des policiers marocains.
  • La maison est régulièrement envahie et saccagée par des soldats marocains, qui ont commis de graves violations des droits humains à l'égard des trois femmes, notamment le viol des deux sœurs.
  • Sultana Khaya a également reçu une injection de substances inconnues en novembre 2021.

La situation difficile de Khaya a été soulignée dans des déclarations publiées par le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme en juillet et décembre 2021.

Khaya's predicament was highlighted in statements issued by the UN special rapporteur on the situation of human rights defenders in July and December 2021.

En vain : un contingent de forces de l'ordre continue d'être posté devant la maison, sans aucune explication légale de leur présence. Ces dernières semaines, des policiers auraient tenté de cimenter la porte d'entrée de la maison des Khaya.

Malgré de telles difficultés, Sultana Khaya ne reste pas silencieuse. Elle est souvent aperçue sur le toit de sa maison, agitant le drapeau de la République du Sahara Occidental. Dans une récente interview au téléphone avec le collectif de journalistes citoyens sahraouis Équipe Média, Sultana Khaya s'est fortement offusquée du pillage par le Maroc de sa patrie occupée et du rôle des entreprises privées dans celle-ci - avec une référence particulière aux projets de production d'énergie renouvelable que le Maroc déploie sur le territoire sans le consentement du peuple du Sahara Occidental.

« L’interdiction que je vis depuis plus d’un an de sortir de ma maison est anecdotique. C’est la preuve de l’impuissance du Maroc face au droit à la justice que je défends.

Ce qui est important et que j’affirme très clairement c’est que des mesures doivent être prises pour que cesse le pillage des ressources naturelles renouvelables ou non de mon pays, le Sahara Occidental. 

Les profits servent économiquement et politiquement l’occupation et ses mesures répressives.

À 7 kilomètres de la ville de Bougdour où j’habite, l’occupant marocain construit un parc de 300 MW de production d’énergie avec des éoliennes. Les interlocuteurs sont le gouvernement marocain et non celui du Sahara Occidental. 

Les constructeurs sont le groupe marocain Nareva Holding, l’entreprise allemande Siemens et l'italien Enel Green Power. La compagnie maritime qui transporte les éléments d’éolienne est la compagnie allemande Briese Schiffahrts.

Ce parc éolien s’installe sans la consultation ni le constamment de notre peuple. Et nous ne sommes pas d’accord.

Les entreprises étrangères sont ici, comme ailleurs au Sahara Occidental, engagées dans un projet qui, en trahissant les vertus écologiques de la production d’énergie à source renouvelable, ne font que compliquer notre accès à l’inéluctable indépendance de notre pays.

Les Européens, plus particulièrement les Français, les Allemands et les Espagnols, doivent respecter les décisions de la justice européenne et internationale, et partir de chez nous. 

Le pillage du Sahara Occidental par le Maroc et ses complices doit cesser pour que puisse advenir l’indépendance de notre pays, et se construise notre avenir libre. »

En octobre 2021, WSRW a publié un rapport exposant tous les projets marocains de production d'énergie renouvelable existants et à venir au Sahara Occidental occupé. Ce rapport, « Écoblanchiment de l’Occupation », estime que l'énergie produite à partir du vent sur le territoire pourrait constituer 47,20% de la capacité éolienne totale du Maroc d'ici 2030. Cependant, peu de temps après la publication du rapport, l’information est parue du projet de construction sur le territoire d’un autre parc éolien par la société énergétique du Premier ministre marocain, ce qui pourrait porter la part du Sahara Occidental dans la production totale d'énergie éolienne du Maroc à 52,25 % d'ici 2030.

Depuis plus d'une décennie, Sultana Khaya est une militante déclarée du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Elle a été harcelée à plusieurs reprises par les autorités marocaines et a perdu un œil lorsqu'elle a été attaquée par un policier en 2007. Avant son assignation à résidence, Sultana Khaya a participé régulièrement à des manifestations prônant l'autodétermination et dénonçant la violence contre les femmes sahraouies.

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