Alors que le verdict de la Cour de justice de l'UE sur la légalité de l'application de l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé ne sera rendu que dans quelques semaines, la Commission Européenne prévoit de visiter le territoire pour évaluer l'impact de ce même accord.
Ci-dessus : lorsque les Sahraouis protestent contre l'inclusion de leur pays occupé dans les accords commerciaux UE-Maroc, la Commission Européenne l'interprète comme un exercice de consultation. Maintenant la Commission envisage une mission sur le territoire sans le consentement des Sahraouis. WSRW craint que les voix opposées à l'accord commercial au Sahara Occidental ne soit à nouveau utilisées à mauvais escient.
Mise à jour du 16-07-2021 : le Polisario a émis un communiqué de presse à propos du déplacement de la délégation de l'UE dans lequel il “dénonce le comportement nocif et irresponsable de la Commission européenne.”
Le 13 juillet 2021, la commission du commerce international du Parlement Européen (INTA) a tenu « un échange de vues sur l'état des relations commerciales et les développements UE-Maroc », comme décrit dans l'ordre du jour de la commission.
Au cours de l'échange, la Commission Européenne a déclaré à la commission INTA qu'elle travaillait sur un rapport sur l'impact de l'application de l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental. Les données de ce rapport sont fournies par le Maroc et seront complétées par une visite de la Commission au Sahara Occidental avant la fin de cet été, a déclaré M. Fernando Perreau de Pinninck de la direction générale de la fiscalité. Il a ajouté que les importations de produits du Sahara Occidental en 2020 avaient augmenté de 12% par rapport à 2019. « On peut donc dire que le Sahara Occidental bénéficie de l'accord », a-t-il conclu. Lisez ci-dessous une transcription de la déclaration liminaire de M. Perreau de Pinninck.
Après les questions des eurodéputés, M. Perreau de Pinninck a précisé que le rapport est attendu à l'automne, et que la visite est « limitée à la mise en œuvre de l'accord avec le Sahara Occidental ». Il a annoncé que des rencontres avec la société civile et les opérateurs sont prévus.
La Commission Européenne n'a pas mentionné que la légalité de l'extension de cet accord au Sahara Occidental est actuellement examinée par la Cour de justice de l'UE (CJUE) et qu'une décision est attendue en septembre - peut-être avant même la visite de la Commission sur le territoire.
La CJUE a en décembre 2016 invalidé l'application de l'accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental. La Cour a ensuite conclu que le Sahara Occidental est un territoire « séparé et distinct » de tout autre pays dans le monde, y compris le Maroc, qui n'a ni souveraineté ni mandat international pour administrer le territoire. Le Sahara Occidental ne peut être légalement affecté par un accord UE-Maroc que si le peuple du territoire y a consenti, a précisé la Cour - ajoutant que l'argument souvent utilisé selon lequel l'accord serait bénéfique au Sahara Occidental est sans pertinence.
« Il est décevant qu'à ce jour, la Commission Européenne continue à argumenter en termes d'avantages présumés dans son approche du Sahara Occidental, sachant parfaitement que le peuple du territoire est fermement opposé à l'accord - au point de porter l’affaire devant la Cour », déclare Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch. « Le fait que la Commission ait choisi de se rendre sur le territoire en coordination avec le Maroc, sans même parler à la représentation du peuple du territoire, montre que le concept d'autodétermination et de consentement n'est toujours pas compris ».
Western Sahara Resource Watch a montré que toutes les lettres de condamnation de la société civile sahraouie ont été utilisées par la Commission Européenne comme un signe de soutien au commerce UE-Maroc sur le territoire. L'utilisation abusive par la Commission des manifestations sahraouies est dans le rapport de 2020 de WSRW « Au-dessus des lois ».
« Sur la base des précédents de la Commission Européenne consistant à cyniquement détourner en sa faveur l'opposition sahraouie au commerce de l'UE au Sahara Occidental, WSRW craint que cette mission dénuée de sens n’ait le même objectif : fabriquer un argumentaire de vente à partir d'une protestation légitime », a déclaré Sara Eyckmans.
Lors de l'audition du 13 juillet, plusieurs eurodéputés ont abordé la situation préoccupante des droits de l'homme au Sahara Occidental et au Maroc. Saskia Bricmont (Belgique, Verts/ALE) a demandé à la Commission de préciser comment elle utilise la clause droits de l'homme de l'accord dans son dialogue avec le Maroc - mais n'a reçu aucune réponse. La question du député européen concernant l'étiquetage correct de l'origine des produits du Sahara Occidental a été rejetée d’une courte phrase affirmant qu'il ne s'agit pas d'un problème d'importation, mais d'une question relevant des autorités du marché intérieur.
L'audition est visible sur la webTV du Parlement, à partir de 17:41:04.
De nombreux députés européens - en particulier d'Espagne - ont évoqué l'impact négatif de l'accord sur les producteurs de tomates de l'UE, comme le déplore également un courrier que le secteur des producteurs de tomates de l'UE a envoyé à la Commission Européenne en juin de cette année. Dans ce document, les principales associations agricoles demandent à la Commission d'agir au nom des producteurs de l'UE, qui seraient confrontés à une concurrence déloyale de la part des agriculteurs du Maroc et du Sahara Occidental, et appellent à l'étiquetage et au contrôle des produits du Sahara Occidental. La Commission Européenne a répondu qu'elle n'envisageait aucun changement à la pratique actuelle.
Transcription de la déclaration de M. Fernando Perreau de Pinninck, DG TAXUD, 13 juillet 2021. (Traduction non officielle)
« Je dirai quelques mots sur la mise en œuvre de l'accord qui étend les préférences tarifaires aux produits du Sahara Occidental. Et ce que je voudrais dire, c'est que l'accord fait actuellement l'objet d'un suivi. Et depuis la présentation du rapport sur l'impact de l'accord, nous considérons qu'il a été mis en œuvre normalement : nous le surveillons régulièrement et aucun incident n'a été signalé par les douanes. Nous n'avons pas connaissance de problèmes de mise en œuvre soulevés par les opérateurs ou par les douanes des États membres. Nous travaillons sur le rapport de 2021 pour évaluer l'impact de l'accord, et le Maroc a fourni des informations, comme convenu, sur le commerce des principaux produits, directement et via leur base de données. Et nous compilons également ces informations. Nous espérons les compléter avec une visite que les services de la Commission effectueront dans les territoires du Sahara Occidental, espérons-le vers la fin de l'été. En ce qui concerne les données de 2020 sur le commerce des importations en provenance du Sahara Occidental, ils sont en ligne avec les tendances identifiées en 2019. Les exportations de fruits et légumes ont augmenté de 12% en 2020 par rapport à 2019. Bien que ces importations de tomates respectent toujours les quantités des contingents tarifaires convenus avec le Maroc dans le cadre de l'accord d'association. Les exportations de produits de la pêche ont augmenté de 12% en 2020. Et les données pour 2021 ont montré que pour les 4 premiers mois de l'année, pour lesquels des données sont disponibles, que les tendances sont très similaires à celles de 2020. Les exportations moyennes mensuelles pour les tomates sont un peu plus élevées, 2,5%, mais les exportations de melons et de produits de la pêche sont en fait inférieures à la moyenne des mois de 2020. On peut donc dire que le Sahara Occidental bénéficie de l'accord, et je pense qu'avec cela je finirai ici pour gagner du temps. »
« C'est une victoire majeure pour le peuple du Sahara Occidental. À l'heure où le droit international est sous pression, il est fondamental que l'UE suive sa propre cour et cesse de collaborer avec l'occupant par le biais d'accords commerciaux illégaux », a déclaré Western Sahara Resource Watch. Ce matin, la Cour de justice de l'UE a rendu une décision historique.
Dans son arrêt de ce matin, le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union Européenne a statué que les produits du Sahara Occidental présents sur le marché de l’UE ne peuvent être étiquetés « Maroc ».
L'étiquetage de ces produits comme étant originaires du Royaume du Maroc au lieu d'être originaires du Sahara Occidental constitue une violation du droit de l'UE, conclut l'avocate générale de la Cour de justice de l'UE.
Un rapport d'évaluation externe de l'accord de pêche UE-Maroc 2019-2023 confirme que l'accord tourne, dans son intégralité, autour du Sahara Occidental.